Rencontre avec Sreika

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Treskians. Novembre 1654.

Depuis notre retour d’expédition, malgré les mesures prises par le roi, la ville se fait petit à petit moins sûre, des assassins y sévissant visiblement au grand dam de la guilde des marchands.

Avec l’atmosphère qui règne en ville, et le décrêt d'interdiction du port d'arme, nos affaires marchent moyennement, ce qui est logique pour une armurerie ... Nos deux forgerons, nos trois guerriers, et Ternibel, le magicien que nous avons engagé, arrivent toutefois encore à s'occuper.

L'histoire de ce magicien originaire d'Asina était émouvante. De père demi-elfe, il s'était très tôt engagé dans la voie de la magie. A 16 ans élève de l'école de Treskians, il est quelques années plus tard à Sorkas, l'élève de Sarnik. Malheureusement, son élan sera brisé net, en même temps que son coeur, par l'indifférence qu'il inspirera à une élève magicienne, Ulanoril. Il est vrai que la magicienne rousse avait de quoi inspirer bien des folies, et Lothar ne pouvait pas le blâmer pour cela.

Il en perdra le sommeil, et la raison, ce qui fait beaucoup pour un mage en devenir, tant et si bien que Sarnik finira par l'exclure de l'école.

Aujourd'hui, Ternibel était devenu un homme de confiance, et s'était taillé une belle réputation dans l'art de lier la magie et les armes que nous produisions.

La dernière aventure de Lothar et Lénaël s'étant avérée profitable, le demi-elfe se mit en quête de changer une partie de cette fortune, près de 9500 pièces d'or, contre des gemmes, qui présentent, à valeur égale, l'avantage d'être beaucoup plus transportables. En utilisant sa connaissance des pierres, et un moyen un peu moins naturel pour charmer la bijoutière, il obtiendra près de 12.000 pièces d'or en gemmes.

Quelques jours plus tard, deux drôles de petits êtres se présentèrent à l'armurerie. De type humanoïde, de couleur grisâtre, ils étaient de petite taille -celle d'un enfant humain d'une dizaine d'années, mais beaucoup plus massifs- avec un corps rond, et une tête située dans le prolongement direct de ce corps, un peu à la manière d'un oeuf. Enfin, ils étaient complètement semblables.

Ils s'adressèrent à nous, sans utiliser de mots, et se présentèrent comme des envoyés de Sarnik, en nous remettant un parchemin de sa part.

Chers amis,

J'ai appris, avec une joie non feinte, que vous étiez rentrés de la périlleuse mission que je vous avais confiée. Je suppose que si vous êtes à Treskians, c'est que vous l'avez menée à bien, et que vous êtes par conséquent en possession de tout ce que je vous avais demandé, y compris le livre.

Surtout, le livre, car actuellement il revêt une importance extrême. J'ai trop longtemps négligé le monde extérieur pour les études que j'ai entreprises.

Et quand j'ai relevé la tête des mes reliques de parchemins, j'ai vu le danger arriver. Le monde se fendille sous la poussée des démons, j'ai besoin du livre pour trouver la puissance nécessaire pour les repousser. Aussi, soyez prompts à vous rendre à l'école de magie de Sorkas. Une fois arrivés, demandez-moi, on me connait ...

Sarnik

P.S. les Gnafis vous serviront d'escorte. Déguisez-les si celà vous chante, mais ne les sous-estimez pas, ils sont puissants.

Amicalement, S.

Notre première réaction est d'avoir des doutes sur l'authenticité de ce document. Mais le sceau y figurant était bien celui du magicien, et Ternibel pouvais garantir que le sceau était authentique. Puis, c'est sur la santé mentale de Sarnik que nous nous interrogeons. Enfin, il fallu bien nous rendre à l'évidence, nous nous étions fait berné par un faux Sarnik qui nous avait soutiré fameux livre de magie.

Au-delà de cette nouvelle désagréable, et même grâve, nous avions appris que nos visiteurs étaient des "Gnafis" ...

Nous décidons de repartir sur le champ vers Ogmatmek, ville où la rencontre avec ce faux Sarnik avait eu lieu.

Après plus de deux semaines de voyage à cheval à un rythle soutenu en compagnie de l'un des Gnafis -l'autre était parti rejoindre Sarnik-, nous poussons la porte de l'Auberge du Sud, unique auberge décente de la ville d'Ogmatmek.

- Messieurs, que puis-je faire pour vous ? nous dit l'aubergiste.
- Eh bien, nous donner une chambre, pour commencer ... répondit Lothar, avec un sourire.
- Eh bien, nous donner une chambre, pour commencer ... répondit Lothar, avec un sourire.
- ... et nous aider à retrouver l'une de nos connaissance qui serait passée ici il y a quelques semaines.

L'aubergiste se montre très coopératif, et nous sort son registre.

- Alors, voyons ... mes derniers visiteurs étrangers sont ... un barbare, Bougral, qui loge encore dans mon auberge, une magicienne, Ulanoril, superbe, au demeurant, il y a à peu près deux semaines, un guerrier du nom de Nakotina, le mois dernier, imposant, et ... un magicien, nommé Oggolisan, qui m'a dit être originaire de Kirumka. Voila, c'est tout ce que j'ai à vous proposer …

Deux mois, Kirumka, Oggolisan, voila qui correspondait en terme de date et de provenance. En revanche, son nom signifiait "l'homme pas maléfique", et là, nous étions dubitatifs ...

Le soir, nous sommes en train de dîner paisiblement dans la salle commune de l'auberge, quand nous entendons un bruit de colère, et des pas précipités dans l'escalier. C'est Bougral, le barbare, qui n'a pas l'air content, mais pas content du tout ... et semble se diriger vers l'extrémité de la salle de l'auberge, en direction d'un personnage qui n'a pas l'air à l'aise.

- TOI ! espèce de vermine, en désignant de l'épée le personnage en question, tu vas me rendre IMMEDIATEMENT ce que tu m'as dérobé …

Et de commencer à traverser la salle de l'auberge dans cette direction.

- Pousses-toi ! cria le barbare en bousculant Lénaël, qui se trouvait sur son passage.
- Pousses-toi toi même ! lui répond l'elfe, en repoussant violemment l'homme en colère en train d'avancer.
- ECARTES-TOI, lui hurla-t'il, visiblement hors de lui, ou goûtes à la douceur de ma lame !

Lénaël avait dégainé son épée, et faisait face au barbare déchaîné. Celui-ci se rua sur l'elfe. Le combat s'engagea, sous les vociférations des clients de l'auberge. Aux charges bestiales de Bougral, Lénaël répondait par des esquives d'une grande agilité, et des contre-attaques fulgurantes qui faisaient mouche à chaque fois. Alors que de multiples blessures entaillent déjà son torse et ses cuisses ruisselantes de sueur et de sang, le barbare semble la proie d'une furie incontrôlable, et Lénaël finit par lui porter le coup de grâce. Un corps sans tête finit par s'effondrer au milieu de débris de chaises et de tables.

Le personnage sombre vers lequel était dirigée la vindicte de la brute semblait soulagé, et quittait prestement les lieux. Alors que Lénaël essuyait son épée, et s'entretenait avec l'aubergiste, Lothar se glissa à l'extérieur de l'auberge, à la poursuite de l'homme. Regardant régulièrement derrière lui, l'homme s'engouffra dans une venelle sombre. Lothar profita de l'occasion, et sortit de sa poche deux petites figurines dorées, à l'effigie de lions, et les lança en direction du fuyard en prononçant entre ses dents un mot qui resta inaudible.

A part quelques rugissements entremelés de cris d'effroi, on n'entendit pas grand chose. Lorsque Lothar arriva sur les lieux du carnage, l'homme gisait dans son sang. Il remit les deux figurines dans sa poche, et fouilla le cadavre. Il ne découvrit rien de bien étonnant -quelques pièces, une dague-, si ce n'est une étrange et désagréable boule noire, lisse et froide.

De retour à l'auberge, le demi-elfe fait part de sa découverte à Lénaël et Ternibel, qui confirment la nature maléfique de l'objet. Nous décidons de passer au crible la chambre du défunt Bougral.

Nous découvrons d'étranges objets, eux aussi teintés d'une puissante aura maléfique : une imposante hache, une étrange statue noire et un cube, de la même matière que la boule trouvée sur la cadavre. Le cube et la boule se plaçaient visiblement dans les mains de la statue.

Le lendemain, nous quittons Ogmatmek, pour Kirumka. La hache, qui nous déplait vraiment, finira enterrée profondément dans la campagne, loin de la ville.

Nous atteignons la ville avant la fin du mois de décembre. Oggolisan y est connu, et on nous indique sa maison sans difficulté. Nous la trouvons d'autant plus facilement qu'elle se situe à la base d'une grande colonne de fumée, et au centre d'une certaine agitation. La demeure du magicien est la proie des flammes, et nous parviendrons in-extremis à le sortir de sa maison avant qu'elle ne s'effondre. Par mesure de précaution, Ternibel le plonge en catalepsie, pour que nous puissions le transporter jusqu'à une auberge sans problème.

Là, il avouera que c'est bien lui qui nous a subtilisé le livre, mais qu'il lui a été subtilisé à son tour par une créature des plans inférieurs qu'il tentait d'invoquer, expérience désastreuse dont nous avons pu constater par nous mêmes les conséquences ...

La situation était désormais très préoccupante, car il ne faisait aucun doute que la créature en question en rapportait directement à Sreïka.

Nous contactons Sarnik par Gnafis interposés, lui faisons expliquer la situation, et accueillons sa réaction avec une joie mitigée : nous devions nous rendre au Golitis, la forteresse du Prince-Démon, au plus vite ...

Nous quittons Kirumka sur le champ, abandonnant le magicien à son triste sort, et chevauchons vers le sud.

A l'approche des montagnes au coeur desquelles se niche le Golitis, nous devons abandonner les chevaux, car le temps est épouvantable, la neige est très présente, et ils ne nous emmèneraient pas très loin.

Bientôt, nous devons faire face à une véritable tempête de neige, et ne n'arrivons plus à nous orienter que grâce à une détection de magie permanente, qui nous guide vers la forteresse noire, véritable phare magique.

Enfin, nous découvrons une falaise, au centre de laquelle une grotte noire s'engouffre, passage de trois mètres de large à sa base, sur une quinzaine de mètres de haut.

Nous nous aventurons, l'épée à la main, dans cette entrée. L'obscurité y est aussi complète que d'origine non naturelle. Après quelques mètres de progression à tatons derrière Lénaël, nous débouchons tous les quatre dans une grande pièce d'où partent onze tunnels.

Nous choisissons le premier de ces tunnels, en commençant par la droite, et le suivons assez longtemps, avant de déboucher dans une grande pièce, avec six accès de galeries à notre gauche, quatre à notre droite, et une ouverture un peu plus grande, et noire face à nous.

A bien y réfléchir, cela laissait volontiers penser que cette pièce était la même que celle par laquelle nous étions arrivés. Lothar vérifia sur le champ si le marquage qu'il avait laissé à l'entrée de la première galerie était bien là, et c'était le cas.

Nous reprenons donc notre position initiale, et choisissons la seconde galerie. Après un cheminement assez long, nous débouchons sur notre point de départ, via la sixième galerie.

Nous continuons à explorer méthodiquement, et empruntons la troisième galerie, que nous parcourons, dans laquelle nous enjambons des restes d'orcs calcinés, avant de revenir à nouveau à notre point de départ, via la cinquième galerie.

Nous empruntons la quatrième galerie, et après quelques dizaines de mètres, débouchons ... à notre point de départ. Surprise supplémentaire, cette galerie était à la fois entrée et sortie, par un unique accès, alors que nous n'avions pas fait demi-tour ...

Nous empruntons la septième galerie. Après un cheminement assez long, nous sentons que la pente commençait à nous faire descendre dans les entrailles de la forteresse.

Le jeu devenait lassant.

Bientôt, nous débouchons sur une pièce dans laquelle se tenait une créature particulièrement féminine, mais dont l'origine démoniaque n'était pas à mettre en doute.

Avant même que la chose ait le temps de tenter de nous séduire, Lénaël, assisté par les Gnafis, lui avait réglé son compte. Lothar, ne perdant pas le sens des réalités, fouilla les restes d'un cadavre d'aventurier qui gisait aux pieds de la succube, pour y récupérer quelques belles gemmes, et une étrange fiole, contenant trois strates de liquide -vert, orange et rouge.

Nous reprenons notre cheminement dans cette galerie descendante, et nous finissons par aboutir dans une salle aux dimensions gigantesques, au coeur de laquelle se tenait une créature gigantesque, peu engageante. Le Prince-Démon était devant nous, et à ses pieds, se tenait le grimoire que nous recherchions, sur un pupitre.

Lénaël sortit la statuette trouvée dans la chambre du barbare d'Ogmatmek, et posa dans ses mains les cube et sphère qui allaient avec.

Nous voyons alors trois volutes de fumées se former et s'épaissir sous nos yeux. Trois démons étaient en train de se matérialiser. Le Gnafis se concentrait avec une grande intensité, et nous comprenions qu'il était en train de lancer les démons à l'attaque de Sreïka. Il fallait agir vite.

Lénaël se précipita vers le pupitre, s'empara du livre, et nous étions déjà en train de nous enfuir tous les trois. Bientôt, le Gnafis nous rejoignait, partiellement amputé d'un bras, et nous ressortions de la forteresse noire, pour nous retrouver dans la tempête.

Nous marchons à un rythme de forcené pendant près d'une semaine, pour mettre un maximum de distance entre nous et ce lieu infâme.

Bientôt, alors que nous sommes dans les contreforts des montagnes, la tempête cesse, il ne nous reste que la neige à affronter, mais au moins nous voyons clair.

C'est le moment que choisissent des brigands pour venir se mettre sur notre chemin. N'ayant guère envie de parlementer avec les pieds dans la neige, Lénaël sort son épée, Lothar se rend invisible et par la voie des airs, se place au dessus de celui qui semble être leur chef, et autour duquel se trouvent plusieurs de ces fiers à bras.

Fut-ce cette densité qui l'attira, la malchance, ou le manque de connivence avec Lothar, le fait est que Ternibel lança à cet endroit une Fireball particulièrement explosive, et que Lothar fut pris dans le périmètre.

Une fois les brigands défaits, l'examen de la situation du demi-elfe n'était pas brillant : il était sérieusement blessé par la déflagration elle-même et par la chute qui en était résultée -ce qui pouvait s'arranger assez vite- avait le visage partiellement défiguré par les brûlures -ce qui demanderait un visite coûteuse à un temple- et son équipement magique avait pâti du feu. Adieu figurines léonines, adieu cape de vol, adieu la petite pierre qui gravitait autour de sa tête et lui conférait une dextérité supérieure.

Quel gâchis ...

Lénaël soigna le voleur, mais le ressentiment de Lothar envers Ternibel mit quelques temps avant de disparaître.

Après quelques semaines de voyage -nous avions recupéré nos chevaux entre temps-, nous atteignons Treskians.

La ville est ravagée, fumant de toutes parts. La Guilde des Marchands a fait brûler les bas quartiers, qui étaient la place forte de la Guilde des Assasins. Des pillages ont réduit la cîté des Domes Gris en un amas de ruines.

Notre armurerie n'a pas échappé à la règle, et est elle aussi, détruite. Lénaël réussit à extraire du sous-sol une citerne contenant le précieux liquide qu'il avait ramené de chez les Bearorcs, et qui rendait nos armes si particulières. Il le charge sur une carriole que nous récupérons et, après une entrevue avec Ostanir, et nous partons pour Sorkas, ou le monarque ne tarderait pas à se rendre.

Une fois à Sorkas, nous remettons le livre à Sarnik, qui se retire, pour travailler à la sauvegarde du monde.

Nous nous ré-installons, comme armuriers, financièrement un peu allegé par ces soubresauts de l'histoire, mais vivants ...

Lothar se rendra dans un temple pour guérir ces cicatrices qui le défiguraient, et en ressortira transformé, et appauvri de 1000 pièces d'or, qu'il facturera à Ternibel.

Après cela, le voleur peut enfin se présenter devant Ulanoril, et engager une liaison stable.

Le début de la vie bourgeoise, quoi ...


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