Iskmiar - II

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Voilà près de deux mois que nous sommes les hôtes du château de Karumka. Nous avons au cours de cette période fait un peu mieux connaissance avec cette nouvelle région et les hommes qui peuplent le château. Ils sont environ trois cents à vivre dans la forteresse, à la lisière sud-ouest de la forêt, mais ils savent qu’il existe plusieurs autres châteaux identiques, chacun étant éloigné des autres pour plus de sécurité dans ce monde qu’ils décrivent comme hostile. Lorsque l’on s’enfonce dans la forêt, elle devient rapidement très dense, et peuplée de bêtes agressives et plutôt carnivores, comme le Groula qui a attaqué Lothar il y a quelques mois.

Les habitants du château vivent principalement de cueillette et de chasse, activité quotidienne à laquelle nous participons fréquemment de bon cœur. En revanche, l’élevage n’est pas pratiqué, sauf en ce qui concerne les montures. La forteresse compte parmi ses résidents des Siisks et des Gnafis, les membres de ces deux races s’avérant intelligents et sociables une fois débinomés.

Par un beau matin ensoleillé, le seigneur Karumka nous fait mander en sa salle du Conseil. Nous le trouvons assez tracassé par les nouvelles que viennent de lui rapporter des éclaireurs qu’il avait envoyé en mission : une force composée d’Ankaï, de Sarkaï et d’environ 600 Gnafis se dirige actuellement vers le château, dans le but apparent de venir nous récupérer. De plus, une force Siisk équivalente semble en voie de faire à peu près la même chose. Selon les estimations des observateurs de Karumks, le point de rencontre des deux forces devrait être le château, et la rencontre aurait lieu dans la matinée du lendemain.

Nous proposons à Karumka nos services pour mettre en place une défense. Celui-ci accepte sans avoir à trop se laisser convaincre et, avant de nous laisser mettre au point une tactique, il nous indique une issue secrète au fond de la salle du Conseil, derrière une tapisserie murale, qui mène loin dans la forêt, et nous dit que nous l’emprunterons si les choses tournent mal, le signal du repli étant le son du cor.

Nous passons la journée à mettre au point la tactique de défense du chateau : plusieurs rangées de fosses profondes garnies de pieux et des arbres partiellement coupés qui pourront s’abbattre sur commande sur nos assaillants. Le reste de la défense devra être assurée par les archers de Karumka, les quelques (tout) petits magiciens du lieu et chacun des habitants de la forteresse, avec les moyens du bord.

Au petit matin, l’alarme est donnée. Les éclaireurs de Karumka réintègrent la forteresse à toute vitesse, et les lourdes portes du château se referment derrière eux en catastrophe, alors que l’imposante force de la cîté des dômes pénètre dans la forêt. Bientôt, celle-ci n’est plus qu’une masse grouillante de Gnafis qui décochent des volées de flèches et des essaims de petits éclairs de feu vers le chateau. Derrière eux, l’encadrement composé d’une centaine d’Ankaï et de Sarkaï se profile sur ses montures. Autour de nous, les archers de Karumka tombent comme des mouches sous les traits des Gnafis, alors que les toits de bois et de chaume d’une aîle du chateau commencent à prendre feu.

Sur les remparts, alors qu’il use de ses talents d’archers face à la multitude Gnafis avec Lénaël, Lothar est touché par un éclair qui, outre la blessure qu’il lui inflige, le surprend et le déséquilibre au point de se rattraper de justesse au moment de basculer par dessus bord.

Petit à petit, la situation des défenseurs se dégrade, alors que des Gnafis commencent à poser des perches le long de l’enceinte, que le martelement d’un bélier commence à se faire entendre sur la grande porte d’entrée du château, et que les Sarkaï usent de leur art pour faire feu sur les points de résistance les plus marqués à leur offensive.

Lénaël a troqué son arc contre son épée, et tranche tout se qui ose se présenter en haut des remparts du château, pendant que Ternibel use de boules de feu pour refroidir l’ardeur des porteurs du bélier. Lothar, quant à lui, a repris son arc et s’occupe des Sarkaï.

Malgré cette défense acharnée, la situation du château devient rapidement désespérée, et bientôt, le son du cor retentit, marquant le signal de la retraite, alors que les Gnafis prennent pied au sommet des remparts de la forteresse. Pendant que nous nous replions en nous précipitant vers la salle du Conseil, nous entendons derrière nous un choc sourd suivi d’un énorme craquement et du piétinement de montures sur la terre battue. La porte du château vient de céder, et la cavalerie Ankaï et Sarkaï s’engouffre à l’intérieur de l’enceinte.

Dans la salle du Conseil, Karumka, l’air sombre, nous attend. Il a été blessé au cours de l’assaut et a une flèche encore plantée dans l’épaule. Alors que nous nous engouffrons dans le passage secret, accompagné par quelques gardes qui étaient restés avec lui, un groupe de Sarkaï débouche du couloir à l’autre bout de la salle du Conseil. Ternibel en bouche l’accès à l’aide d’un mur de feu, pendant que Lénaël, Karumka et deux gardes se mettent ensemble pour refermer l’entrée du passage et assurer notre retraite. Mais le mur de feu faiblissant permet une réaction des Sarkaï, dont un éclair de feu blesse un garde, et un autre touche mortellement le seigneur Karumka, que Lénaël doit abandonner après avoir fermé la porte et avant de nous rejoindre. A trois, suivis par quelques gardes, nous suivons ce souterrain, et finissons par déboucher au beau milieu de la forêt où nous attendent quelques autres qui ont réussis à s’échapper. Puis nous nous mettons à marcher à un rythme très soutenu, jusqu’à la fin de la journée, pour mettre le plus de distance possible entre le château et nous.

Alors que le soir tombe et que nous nous interrogeons sur la nécessité de faire une pause pour dormir un peu, et sur l’opportunité de nous séparer du groupe, nous sommes rejoints par notre Gnafis, qui semble fou de joie de nous avoir retrouvés. Pour leur éviter des ennuis et leur permettre d’atteindre un autre chateau situé loin au Nord-Ouest, nous finissons par décider de nous séparer des autres, et en leur souhaitant la meilleur chance du monde, nous poursuivons notre chemin à quatre vers le Nord-Est, seule direction qui nous permette vraiment de nous écarter de la menace des Sarkaï et des Ankaï. Pour masquer cependant notre séparation d’avec le groupe de rescapés de la forteresse, Lothar et Ternibel préfèrent utiliser la voie des airs, en supportant à eux deux le petit Gnafis, tandis que Lénaël marche elfiquement à travers la forêt qui se fait de plus en plus dense.

Après quelques heures à progresser de cette façon, les trois éclaireurs font une pause, faute de propulsion, et attendent l’arrivée de Lénaël, qui ne se fait guère attendre très longtemps. Ils décident alors de passer le reste de la nuit là, non sans se relayer pour monter la garde. Pendant le second tour de garde, durant lequel veille Ternibel, le petit bruit sec d’un pas sur une branche tire Lothar de son sommeil superficiel, bien que réparateur. Derrière le magicien se profile un énorme Groula armé d’une non moins énorme massue que celui-ci se prépare à brandir au dessus de la tête de sa future victime. Au moment précis où elle s’abat, le sixième sens de Ternibel lui fait parer cette agression à l’aide d’un sort. En un instant, Lothar a retiré du revers de sa veste l’une de ses dagues et l’a envoyé en direction de l’animal, qui, déjà décontenancé par la parade de ce qu’il croyait être une victime sur-mesure, ne peut que la recevoir en plein torse en émettant un râle de surprise. L’instant suivant, le magicien lui fait face et lui décharge deux éclairs de feu bien sentis, qui le réduisent à l’état de Groula grillé.

Tout ce remue ménage, certes bref, ne semble pas avoir trop affecté Lénaël, qui finit par ouvrir un œil, mettre la main sur son épée, et émettre un "Qu’était-ce donc ? ", en portant son regard sur la bête encore fumante …

Lorsque l’aube pointe, nous nous apercevons que nous avons passé la nuit sous des arbres parasités par des Parkis, ces fameux fruits à la chair très recherchée que l’on nous avait tant vanté à Gnafis-City. C’est Lothar qui se dévoue pour grimper et faire la cueillette et nous offrir un royal petit-déjeuner aux Parkis. Profitant de sa position dominante, le demi-elfe essaye de détecter quelque chose de remarquable dans les environs. Mais ce ne sont qu’arbres à perte de vue, à l’exception de la direction Nord-Nord-Est, dans laquelle on aperçoit au loin une chaîne de montagnes. Nous décidons de nous en approcher et d’essayer de passer de l’autre côté de cette chaîne, ce versant ci ne nous ayant pas été très propice pour l’instant.

Pendant plusieurs jours, nous progressons à un rythme soutenu, ne nous souciant plus de la poursuite des Sarkaï, maintenant bien improbable, et nous nourrissant sur la forêt, pleine de ressources. Au fur et à mesure de notre marche, les montagnes ne semblent guère se rapprocher, mais semblent grandir. A la réflexion, nous nous disons tous qu’elles doivent être vraiment très hautes, et que les franchir ne va pas être une partie de plaisir.

Dans l’après-midi du lendemain du jour où cette vérité nous apparut, la double éclipse des deux soleils d’Iskmiar par les antilunes se produit, et nous assistons à un phénomène d’une violence inouïe. En quelques minutes, le jour décline et la nuit se fait quasiment complète, alors que la température baisse de façon terrible. Rapidement, une tempête de neige se déclenche, et des tourbillons d’une force inimaginable se forment, déracinant les arbres du sol gelé. Dans cette tourmente qui doit durer plusieurs heures, nous devons au plus vite essayer de trouver un abri pour éviter de finir congelé sur ce monde hostile qui n’est pas le nôtre. Nous détectons par chance un abri au creux d’une colline vers laquelle convergent beaucoup de traces d’animaux. En nous engageant dans cet abri inespéré, nous nous apercevons qu’il s’agit plutôt d’une galerie qui s’enfonce doucement sous la colline. Nous la suivons, laissant derrière nous la tempête et les congères, jusqu’au moment où des feulements nous arrêtent. A un endroit où la galerie s’élargit quelque peu, s’est réfugiée une famille de Slamiar, ces félins sauvages dont le déplacement s’apparente à celui de nos lapins. Le mâle, très agressif, nous attaque pour défendre sa femelle et le petit qui est blotti à ses côtés. Lothar et Lénaël devront l’abattre au cours d’un combat qui n’a rien de glorieux. La veuve et l’orphelin se tapissent contre les parois, et ne nous feront pas d’histoire, nous permettant de continuer à progresser dans cette galerie qui commence à nous intriguer quelque peu. Un peu plus loin, elle s’élargit à nouveau, et se termine en cul-de-sac. Toutefois, à l’exploration, ce cul-de-sac ne nous semble pas très naturel, se terminant en une paroi noire totalement lisse. En cherchant des accès secrets avec Lothar, Lénaël trouve gravé sur la paroi une sorte d’inscription. La rune, dont l’intérieur est parcouru par des reflets bleus, verts et dorés, évoque tout de suite chez lui une sensation de déjà vu :

A la réflexion, ces traits mélés lui rappellent le symbole du grand magicien Neskren. A cette pensée, la rune frémit, et devient légèrement luminescente. Mais sans plus. A son tour, Lothar essaye alors de se concentrer sur Neskren et sur tout ce qui peut avoir trait à lui : son manoir, le miroir sombre qui s’y trouve et qui permet des voyages entre les mondes, le très sage Kared, ... mais la réaction de la rune se limite à des variations d’intensité lumineuse.

Reste la magie. Malheureusement, Ternibel ne peut intervenir sur ce domaine qu’il ne maîtrise pas. Lothar, lui, a en sa possession quelques sorts élémentaires qui peuvent permettre de tirer quelques informations sur la rune mystérieuse. Et la solution s’impose à lui … comme par magie : ce signe a été écrit, il faut donc le lire. Bien sûr. Et de prononcer le nom de NESKREN à haute voix, et la paroi lisse de s’ouvrir.

Et ce passage nous dévoile une immense salle, apparemment naturelle, à la voute très haute, et de forme oblongue, l’accès que nous venons de trouver se situant approximativement entre les deux extrémités de la salle. Nous armant de torches, nous décidons d’entreprendre une inspection détaillée des lieux. Cette caverne ne semble pas recèler de trace d’enchantements. Des ossements étranges parsèment de-ci et de-là le sol en terre batue de cette salle ; leurs formes nous feraient penser à ceux de gros insectes. Dans la pénombre de l’une des extrémités, nous découvrons une galerie, à très forte déclivité, qui s’enfonce sous terre. Nous l’empruntons, et au bout d’une demi-heure de marche, nous tombons sur des ramifications. Après plusieurs heures d’aller et retours, il s’avère que ceci n’est qu’un réseau de petites galeries en cul-de-sac, dans lequel tout ce que nous trouvons se limite à d’autres ossements : des crânes tout rond. En remontant jusqu’à notre point de départ, nous trouverons à l’autre extrémité de la grande salle, une autre galerie, ainsi qu’un autre réseau, tout aussi inhabité que le premier.

L’endroit étant tout à fait sûr grâce à l’accès que nous avons découvert, et que nous pouvons manipuler à notre gré au simple nom de Neskren, nous décidons d’en faire notre refuge pendant que la tempête fait rage au dehors.

Quand celle-ci se calme enfin, nous partons en forêt pour ramasser du bois et chasser un peu. Nous passons ainsi trois jours au chaud à nous refaire une santé, et un appetit, le gibier ne manquant pas. Puis, nous repartons vers le Nord-Est, dans la direction des montagnes.

Une semaine de marche plus tard, nous abordons enfin les premiers contreforts de cette chaîne que nous avons en point de mire depuis si longtemps. Alors que nous grimpons, nous ne trouvons pas signe de village ou d’activité civilisée, faute d’être "humaine" ; rien que la forêt à flan de montagne. Il nous faut donc encore aller de l’avant pour espérer trouver un lieu où s’installer, ou au moins une compagnie. Nous décidons donc de trouver un col pour passer sur l’autre versant. C’est chose faite deux jours plus tard, où, les pieds dans la neige, nous découvrons au loin dans une immense étendue boisée, quelque chose ressemblant à une construction : une vague ressemblance avec la structure d’un cristal, peut-être un soupçon d’architecture Siisk…

Deux jours plus tard nous atteignons la vallée, et nous dirigeons vers cette construction. La forêt de ce côté de la montagne ressemble à s’y tromper à ce qu’elle était de l’autre côté, et notre voyage, en compagnie du petit Gnafis, se poursuit avec monotonie jour après jour. Jusqu’à ce qu’une nuit, trois jours après notre arrivée dans la vallée, le tour de veille de Lothar soit interrompu par un

- Rendez-vous, vous êtes cernés ! Nous vous suivons depuis plusieurs jours, nous savons combien vous êtes. Ne tentez aucune résistance ! Rendez-vous !

Il y avait donc une vie intelligente (?) dans cette forêt. Voilà qui, quelque part, nous réchauffait le cœur, même si l’instant présent était plutôt occupé à ne pas se laisser embarquer par n’importe qui. Nous étions bien décidés à faire preuve d’un peu plus de circonspection et d’esprit critique que lors de notre arrivée dans ce monde.

Le ‘Cling’ …

En un instant, les quatres dangereux intrus ne sont plus que deux, Lénaël étant devenu invisible, tout comme Lothar, ce second ayant pris son envol pour "prendre du recul" et essayer de cerner un peu mieux la situation. Le message est clair. Ternibel prend une belle voix aussi innocente que possible, et clame un paisible :

- Nous nous rendons …

Dans les secondes qui suivent, une dizaine de garde émergent discrètement des bosquets qui bordent la clairière que nous avions choisie pour monter notre campement, et se rapprochent du magicien et de notre Gnafis.

- Vous êtes quatre. Où sont les autres ?
- Je n’en sais rien. Je dormais, je croyais aussi qu’ils étaient là …
- Nous vous surveillons depuis longtemps, ils n’ont sûrement pas pu s’échapper. Vous trois, là-bas, fouillez-moi ce campement en détail, allez ouste ! …
- Chef ! Y’a rien, chef, y sont pas là …
- Très bien. On va déjà s’occuper de vous deux. Les deux autres, on les retrouvera bien. Et le petit, là, c’est qui ?
- Lui, c’est Naf, un Gnafis.
- Un Gna … un Gna … Gna …
- Ben oui, un Gnafis quoi !
- Glourps ! …
- Quelque chose qui ne va pas ?
- … Euh … je vous previens, je vous ai à l’œil, vous et le … et l’autre, et je ne suis pas le seul. Nous sommes supérieurs en nombre, alors je vous conseille de vous tenir tranquille. Toute tentative de votre part est vouée à l’échec.
- Toute tentative de quoi ?
- … Euh … Nous allons vous conduire à un poste de garde avancée où vous allez être interrogé par un supérieur hiérarchique. A partir de maintenant, je ne veux plus vous entendre sous aucun prétexte. Suis-je clair ? …

Suite à cette éclatante démonstration d’autorité, Ternibel et Naf préfèrent garder le silence, pendant que quelques gardes remballent le campement succinct. Puis, une (toute) petite troupe se forme autour d’eux, et ils se mettent en route vers ce poste avancé, suivis à distance, dans une discrétion absolue, par Lénaël, et survolés non moins discrètement par Lothar.

Pendant près de deux journées entières, le petit groupe avance nerveusement dans la forêt clairsemée, sous l’étroite filature d’un Elfe et demi et d’un demi-humain insaisissables. La garde, tout d’abord mal à l’aise vis à vis de Naf et de Ternibel, cet homme en robe (…), finit par mieux accepter la situation et certains vont même jusqu’à engager la conversation avec le magicien.

- Vous venez vraiment de l’autre côté des montagnes ?
- Oui, pourquoi ?
- Qu’est-ce que vous pouviez bien y faire ? Y’a pas âme qui vive, là-bas …
- Il y a quand même quelques villes, plutôt quelques forteresses, avec des hommes, et deux grandes cîtés Gnafis et Siisk.
- Argh ! Blurp ... des HOMMES ??? une cîté GNAFIS ???
- Vous pensiez être seuls au monde …
- Euh … Bah … je … enfin … on … Euh … les "séparés", c’est une vieille légende, et puis les Gnafis et les Siisks, c’est des monstres inventés pour faire peur aux enfants … enfin, je croyais …
- les "séparés" ? …
- Bah oui, ces hommes qui vivent de l’autre côté des montagnes …
- Ah, ok ok ok …
- Silence derrière !

Enfin, à la nuit tombée, le petit groupe finit par atteindre le poste avancé. Là, le chef de la troupe qui nous a (partiellement) intercepté expose longuement au lieutenant les circonstances de ces faits héroïques :

- ...
- et alors là, nous avons pu les surprendre dans leur sommeil, mon lieutenant, et les désarmer sans qu’ils puissent réagir.
- Mais lors de notre derniere communication par cristal, avant cette intervention, vous m’aviez annoncé qu’ils étaient quatre ?
- C’est tout à fait exact, cher ami, et je suis le troisième …

Lénael venait de réapparaître, le bras noué autour du cou du lieutenant interloqué, et la dague pointée sur sa gorge.

- Alors, c’est extrèmement simple. Je souhaiterais rencontrer dans les meilleurs délais, sans vouloir vous offenser, le responsable de ce charmant petit poste forestier.
- O…ouhé…a…é…oi…eu…a…i…ène …
- Vous dites, mon lieutenant ?
- Arrh … Huff … On pourrait peut-être aller voir le Capitaine ?
- Je vais le faire réveiller sur le champ, mon lieutenant.

Quelques minutes plus tard, un homme visiblement d’humeur assez maussade fait son entrée dans le bureau de l’officier, et le somme de s’expliquer sur les raisons qui ont motivé son réveil à une heure aussi avancée de la nuit. Et le lieutenant d’entamer la narration du récit du chef de la patrouille :

-
- A son retour, le chef de patrouille vient donc me rendre compte des évènements ayant fait suite à l’interception de ce groupe, quand soudain, cet homme…
- cet Elfe …
- … enfin, cette personne, est littéralement apparue derrière mon dos, en menaçant ma gorge d’un poignard.
- Comment ça, en vous menaçant d’un poignard ?
- Mais comme cela, cher ami …

Lothar venait enfin de réapparaître, une dague effilée à la main, sous les regards consternés du chef de patrouille et du lieutenant, Lénael pouffant de rire appuyé contre un mur.

C’en était trop. A quelques heures d’intervalle, l’arrivée de cette patrouille, puis l’apparition (au sens premier du terme) de Lénael, puis de Lothar, avaient semé le désordre le plus complet dans cette petite base avancée, et dans les esprits, pourtant d’une clarté franchement militaire … , du lieutenant et du capitaine qui la commandent.

Une fois passé ce moment d’hystérie collective, un dialogue assez cohérent peut s’engager entre nous et les responsables de ce poste. Finalement, nous demandons, pardon, il nous est intimé de suivre la patrouille pour rejoindre la chateau, cette étrange structure que nous avions distingué du haut des montagnes. Devant un ordre aussi péremptoire, nous ne pouvons qu’abdiquer, et aussi nous laissons-nous escorter jusqu’au chateau.

Le voyage dure près d’une semaine, durant laquelle nous nous familiarisons un peu mieux avec nos hôtes, leurs étranges cristaux de communication, et cette forêt sans oiseaux.

Enfin, nous finissons par apercevoir le chateau. C’est bien de cristal (de cristaux ?) qu’il est "composé", d’un bleu de la couleur du ciel que nous connaissions lors des étés caniculaires à Treskians.

A l’approche de la forteresse, la garde d’élite qui assure le contrôle de la herse ne veut pas laisser passer la patrouille, du fait de notre présence, et la tenue de Ternibel lui vaut d’être la cible de nombreux quolibets. Devenu assez pointilleux sur le sujet, il ne supporte pas cela longtemps, et bientôt le capitaine des gardes se retrouve pressuré contre la herse, de l’intérieur, et alternativement promené du sol à la voute de cristal, plusieurs mètres au dessus. Rapidement, et avec l’insistance de notre capitaine à nous, la garde ouvre l’accès au chateau, avant de nous escorter vers le seigneur des lieux.

Le seigneur du chateau se nomme Karumks, et son épouse Elinia. Ils semblent règner sur une petite cour et sur cette forteresse en monarques absolus. Près d’eux se trouvent un sage, nommé Sudrank, et un musicien aveugle qui joue d’un instrument en forme de petite harpe.

Après une courte discussion d’étiquette, il nous est proposé d’avoir une discussion plus appronfondie sur certains points lorsque nous nous serions reposé un peu de nos périgrinations.

En attendant, nous étions les hôtes de Karumks, d’Elinia et du chateau bleu.


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