Iskmiar - III

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Voilà quelques semaines qui nous sommes les hôtes de Karumks et Elinia. Leur cîté n’est qu’une immense structure de cristaux bleus. Etrangement, de l’extérieur, on perçoit les objets qui se trouvent de l’autre côté de la forteresse, mais l’intérieur est masqué à la vue. La nuit, le cristal est légèrement luminescent et iradie une aura bleutée sur les environs. Mais quand la double éclipse survient, il diffuse une lumière d’une telle violence, qu’il n’est pas possible de l’affronter du regard sans risquer d’en perdre la vue. Autour du palais, on trouve sans trop s’éloigner, une multitude de petits villages de paysans. Il existe même une ville de taille conséquente située plus loin au nord.

La vie du palais est organisée autour de la cour de Karumks. Elle nous semble assez guerrière vis à vis de ce que nous connaissons à Treskians. La noblesse d’épée, à l’épée sûrement moins leste que les nôtres, nous regarde avec une certaine ironie et un certain mépris, et ce malgré la taille moyenne qui est assez nettement en dessous de la nôtre... Toutefois, le seigneur Karumks ne semble guère apprécier cette mascarade qui se joue autour de lui.

Tout ce petit monde ne semble pas utiliser de cuivre, d’argent ou d’or pour les transactions, mais plutôt des "pièces" de pierre, ou, pour les nobles, des planchettes de bois gravées différemment suivant la valeur qu’elles représentent.

La sécurité du palais et du seigneur est assurée par 12 corps de gardes d’élite, chaque corps comprenant 10 gardes : les Sarkaï !! … Mais la ressemblance avec les sociétés Siisks et Gnafis s’arrête là : il n’existe pas de culte officiel, et par conséquent pas de prêtres et de clercs en tous genres.

Nous avons pu nous entretenir avec Sudrank à plusieurs reprise, et lui parler de Treskians, des Ogarks, de Neskren, et de l’agaçante manie qu’ont eus Siisks et Gnafis de nous prendre pour les exécuteurs de prophéties diverses et variées. Il nous apprend un certain nombre de choses qui ont au moins le mérite d’éclairer de la lumière de la raison le peu que nous savons.

Tout d’abord, il sait pertinemment que lui est ses semblables ne sont pas originaires de ce monde, mais que leurs ancêtres sont arrivés avec des Ogarks, dont il ignore tout, il y a environ 3000 ans.

En ce qui concerne les prophéties, il en connait l’existence même si les deux races en question relevaient plus de la légende que de l’histoire jusqu’à ce jour. Et il nous apprend même qu’il en est une autre, ici même, qui semble parler de nous. Il s’agit de la dernière prophétie d’une magicienne, disparue il y a plusieurs siècles, et qui se nommait Sesteria.

S’éclipsant quelques instants, il revient avec un parchemin qu’il commence à nous lire à voix haute :

Quand le passé trouvera pour la troisième fois le présent,
Ce qui a été fait à tort sera défait,
Et elle reprendra sa route étroite et dangereuse.
Trois seront les faiseurs étrangers,
Et avec eux, la faute.
IAZUR avec eux partira pour son éternel destin.
Un non humain faible et pourtant fort,
Un demi Ogark pour qui vérité est mensonge,
Un être de feu et de sang, tels seront-ils.
Avec eux est l’esprit de la deuxième rencontre.

A la lecture de ce texte, nous nous sentons tellement poursuivis par l’acharnement du destin que nous ne trouvons même plus la force inutile d’émettre la moindre protestation, tout juste quelques soupirs de lassitude …

Tous les jours, dès l’aube, quand les soleils commencent à iriser les cristaux du palais, Lothar et Lénaël s’entrainent à la pratique des arts martiaux pendant plusieurs heures dans la forêt clairsemée qui entoure la cîté. Puis, Lénaël, qui a réussi à lier connaissance avec un petit groupe de Sarkaïs, va s’exercer au maniement d’armes jusqu’au déjeuner. L’après midi est dédié aux recherches dans la bibliothèque du palais, qui se révèle être un inépuisable réservoir de connaissances. Elle est tenue par des Simkiars, qui font office de bibliothécaires.

Ce sont des petits singes ailés, à l’agilité tout à fait étonnante, qui sont dotés de la parole, de connaissances linguistiques impressionnantes, et d’un sens de la négociation digne d’un sandestin. Ils sont appelés magiquement depuis leur plan d’origine, tout proche, et sont liés au service de la bibliothèque. Ils sont libérés lorsqu’ils ont rendu suffisamment de services. Lorsqu’on demande l’accès à un sujet donné, ils traversent les immenses rangées de livres en quelques instants, extrayant ci et là un vieux grimoire contenant des informations liées au sujet demandé, et viennent reposer d’un air satisfait le tout aux pieds du demandeur.

Les premiers contacts que nous avons avec les Simkiars sont l’occasion pour ces malignes créatures d’empocher un peu plus de "services" qu’il n’eût été suffisant, et d’anticiper un peu leur retour sur leur plan.

En quelques après-midi à la bibliothèque, nous arrivons à collecter des informations sur les liens entre ce monde étrange et le nôtre, et quelques bribes d’éléments sur cette magicienne nommée Sesteria.

Genèse des hommes de ce monde : ils arrivent du nôtre, à peu près à l’endroit où nous avons rencontré les hommes de Karumka, de l’autre côté des montagnes. Une partie décide d’aller vers les montagnes bleues, mais très peu en reviendont. Parmi ceux-là, sont deux magiciens nommés ISNIU et OLANSI. Ils semblent très secoués par ce séjour, mais leur magie, elle, en est revenue décuplée. En décidant de se mesurer, ils sèment le chaos le plus complet, allant jusqu’à créer chacun une race d’êtres vivants au travers desquels ils peuvent pousser plus loin leur folie. Les deux magiciens bleus (ainsi étaient-ils surnommés) finissent par disparaître sans laisser de trace.

Neskren : est connu comme un très ancien magicien. Il est avec les premiers arrivants sur ce monde, et participe à la construction des trois palais. Tout est fait pour les construire le plus loin possible des deux magicieux bleus, et de la façon la plus résistante. Puis, il meurt. Il réapparait plus tard, et purge le monde des deux races citées ci-dessus, avant de disparaître définitivement. Les livres mentionnant Neskren sont tous rédigés en quelque chose qui ressemble étonnament à du vieux Treskians.

Sesteria : il existe plusieurs grimoires de ses prophéties dans la bibliothèque, qui ont tous été rédigés par son assitant Goudankar.

En ce qui concerne les deux magiciens bleus, cela justifie complètement à nos yeux cette histoire absurde de Siisks et de Gnafis, de panthéon dual dont chaque divinité est à la fois le bien pour l’une des deux races et le mal pour l’autre, et les restes que nous avons découverts dans la caverne marquée de la rune de Neskren.

L’existence de deux autres palais nous semble très intéressante. Ces deux palais ne sont pas bleus, mais respectivement rouge et vert. A bien y regarder, ils sont disposés en triangle équilatéral.

Connaissant Neskren, et étant donné la prophétie dont nous faisons l’objet, c’est au centre de ce triangle que nous nous intéressons tout de suite. Une ville de taille conséquente, nommée Medrilan, se trouvant approximativement à cet endroit, à une quinzaine de jours de marche d’ici, de l’autre côté d’une petite barrière de montagnes, c’est par là que nous décidons de commencer à chercher ce (cette ?) Iazur qui doit sauver le monde …

Toutefois, personne n’arrive à nous dire à quoi ressemble la dîte ville. Ce phénomène de double éclipse à intervalle irrégulier rend les voyages difficiles, et les gens franchement sédentaires. En ce qui nous concerne, nous avons passé près de deux mois avec Karumks, et la dernière double éclipse a eu lieu il y a trois semaines. Nous décidons de partir dès la prochaine passée.

Elle se produit la semaine suivante. Dès la clarté revenue, nous prenons la route. En une petite semaine de marche, nous atteignons les montagnes, où nous subissons une éclipse simple. Alors que nous passons un col, nous découvrons au loin, sur une grosse colline noyée au cœur de la forêt, notre destination. En redescendant dans la vallée, nous traversons de temps en temps un village de paysans, et arrivons tout juste à nous faire indiquer le chemin tant notre allure, bien que nos oreilles soient dissimulées …, et la présence de notre Gnafis semble terroriser ces braves gens.

Nous devisions tranquillement dans la forêt, lançant quelques idées en l’air sur la façon dont nous allions nous y prendre pour essayer de localiser Iazur, quand soudain, une voix venue d’en l’air se fait entendre :

- Que diriez-vous de vider vos bourses, mes seigneurs ?
- Venez donc vous servir… lui répond Lénaël
- Nous sommes beaucoup plus nombreux que vous, videz vos bourses, et vous pourrez poursuivre votre chemin sains et saufs.
- Je crois que nous vous avons déjà donné notre réponse. Venez les chercher, si vous en avez le courage.
- Vous l’aurez voulu …

Et une flèche vola pour se planter tout près de Lénaël.

Le "Cling" … et Lothar n’était plus …

Le "Cling" … et Ternibel se retrouvait tout seul avec Naf …

Rapidement, Ternibel nous fait savoir qu’il a localisé dix de ces bandits de grand chemin dissimulés dans les arbres. L’arc de Lénael a déjà fait une victime, et Lothar, qui a grimpé silencieusement sur l’arrière d’un tronc, a surpris un détrousseur qui ne survivra pas à sa chute. Eclairs de feu, dagues et flèches commencent à fuser de toute part. Bientôt, il n’est plus question de vider nos bourses … Seul, un survivant tente de s’enfuir en prenant ses jambes à son cou dans la forêt. Lénaël parvient à le rattraper alors qu’il termine sa course dans un enchevêtrement de racines. Après une petite discussion, il s’avère que ce ne pas un mauvais bougre, et nous lui proposons, en échange de la vie sauve, de le prendre comme guide.

Après avoir pris un peu de repos et nous être restauré quelque peu, nous reprenons la route. Bhob, c’est le nom de notre nouveau guide, nous en parle un peu. Il s’agit d’une grande ville, dans laquelle il existe des "organisations" assez proche de guildes de voleurs. Le groupe qui nous a attaqué était une section d’attaque de l’une de ces organisations. Au sein d’une organisation, chaque quartier de la ville est sous l’autorité d’un chef de quartier.

Le lendemain, l’enceinte de la cîté est en vue dès le matin, et nous entrons en ville en début d’après midi. Les faubourgs ne sont pas très avenants, et des petites ruelles sombres et surpeuplées serpentent au sein de bâtisses sordides. Comme à l’accoutumée, notre apparence attire les regards. Notre guide, en accélérant insensiblement l’allure, essaie de nous semer. Nous lui faisons rapidement comprendre que ce n’est guère raisonnable. Finalement, il nous conduit dans une auberge glauque. Dans ce coupe-gorge, Bhob retrouve un certain nombre de ses "amis". Notre entrée provoque un silence malsain, et un quelques sorties plus que rapides : des panneaux tournants et autres colonnes pivotantes. L’aubergiste est plus que malaimable, et il faut une intervention "diplomate" de Lénaël pour le faire filer doux et lui faire nous servir un repas à peu près consommable.

Une fois restaurés, Lénaël sort ses dés, et commence à les faire rouler nonchalamment de main en main. Au bout de quelques minutes, quelqu’un s’approche de notre table et propose une partie au grand elfe. Lothar annonce qu’il a besoin de prendre un peu l’air, et sort en sifflant joyeusement, avant s’enfoncer dans une petite ruelle sombre et de profiter d’un moment de solitude dans un recoin pour …

Le "Cling" …

A peine avait-il disparu de la vue de ses semblables, qu’une paire d’ahuris passent devant lui, visiblement en filature, et semblant dissimuler quelque chose sous leurs vestes. Lothar leur emboite le pas. Ils font le tour du pâté de maison, puis rentrent dans l’auberge, et se dirigent vers un homme attablé seul dans un coin.

- Alors ? …
- Eh beh, c’est qu’on l’a perdu, chef …
- Perdu ? …
- Eh beh, on l’a pas retrouvé, quoi …
- Perdu ! Bravo les mecs, un type tout seul, avec un caillou qui tourne autour de la tête, et vous me le perdez … Je suis sûr que si je vous demandais de vous suivre, vous seriez capables de vous perdre vous-même … et de venir me l’annoncer avec vos trognes d’abrutis.

Lothar les abandonnait à leur sort, pour se rapprocher de la table où jouait Lénaël et l’inconnu, et se faufiler jusqu’à sa place. Utilisant sa capacité à dialoguer par la pensée, il signale à Lénaël qu’il est prêt à lui donner un petit coup de main. Celui-ci préfère attendre que les mises montent un peu, ce que ne tarde pas à lui proposer son adversaire. Après une période faste, le malheureux se met à perdre à qui mieux mieux, tant et si bien qu’il finit par quitter la table en accusant Lénaël de tricher, il ne savait pas comment mais il trichait forcément, et par menacer d’aller se plaindre au chef.

Lénaël, Ternibel et Naf, se plaignaient eux aussi à haute voix, mais de l’absence de Lothar, finissent par quitter l’auberge en compagnie de Bhob. Lothar reste dans l’auberge, attendant qu’une filature se mette en place, ce qui ne tarde pas, et de prendre la filature en filature …

Dès la sortie du groupe, et sur un signe de tête de l’homme qui venait de les sermonner, les deux mêmes olibrius qui tentaient de suivre Lothar se précipitent à la suite de ces étranges étrangers, bien décidés à ne pas se laisser berner. Dehors, ils font signe à trois autres de les rejoindre. Lothar signale ensuite à Lénaël qu’il est suivi à distance. Celui-ci se cache dans un recoin protégé d’une ruelle étroite, et laisse Ternibel opérer : un mur de glace sorti on ne sait trop d’où congèle définitivement quatre de ces cinq hommes, le dernier ne survivant que de très peu. C’est celui-là qui est ramené manu militari à son chef, à l’auberge, par le groupe qui eut été filé, Lothar gardant son apparence inapparente.

Voyant le groupe déboucher ainsi dans l’auberge, l’homme est interloqué. Lénaël et Ternibel le cueillent à froid.

- C’est à vous, ça ?… demande Lénaël
- Glargl …
- Bas de gamme, bruyant, ça se repère à 50 mètres derrière soi.
- Et en plus, c’est très fragile, ça s’enrhume pour un rien, reprend Ternibel
- Il y en a même qui ne survivent pas …
- Pour ces modèles là, c’est à peu près 4 sur 5 … enchaine le magicien
- Qu’est-ce que vous voulez ?
- Eh bien voila, c’est très simple, répond Lénaël. Nous venons d’arriver en ville, et pour nous assurer, dirons-nous, d’une certaine tranquillité, nous souhaiterions rencontrer le responsable de votre organisation.

L’homme semble bouleversé, donne son accord sans discuter, fixe un rendez-vous ici-même pour le lendemain soir, et disparait sans demander son reste. Une fois de plus, Lothar engage la filature. Visiblement, l’homme s’attend à être suivi, et tente toute une série de manœuvres pour décourager un éventuel poursuivant, manœuvres qui ne suffisent pas à décrocher le demi-elfe. Il finit par entrer dans une maison. Lothar, utilisant la méthode éprouvée dite "des courants d’airs", se faufile par le même chemin, trompe la vigilence des gardes, trouve la trappe qui permet d’accèder à un souterrain, et finalement, arrive à coller son oreille afutée à la porte du conseil des chefs de l’organisation. Le reste du groupe est vite prévenu de ce que les gros bonnets sont localisés. Lénaël et Ternibel, finissant de règler leur compte à quelques nouveaux suiveurs au beau milieu d’une rue surpeuplée … (le découpage à froid s’avère être une méthode très efficace, et propre), arrivent quelques minutes plus tard. Les gardes du hall de la maison sont éliminés par la méthode, également très éprouvée, dite du "toc-toc, pif paf", et bientôt, Ternibel et Naf tiennent la maison pendant que Lothar et Lénaël interrompent le conseil des chefs de l’organisation.

En fait de conseil, ils ne trouvent que l’homme suivi par Lothar, et un gros marchand, qui est son supérieur dans l’organisation. Une nouvelle séance de bluff s’engage, et le premier est renvoyé sur champ, et sera éliminé de façon très explosive par Naf dans les étages supérieurs. Le gros marchand mettant beaucoup de mauvaise volonté à coopérer, nous devons nous faire de plus en plus convaincants, utiliser la lecture de ses pensées superficielles, lui arracher l’amulette de protection qu’il porte autour du cou, et le pousser dans ses derniers retranchements, pour qu’il finisse par céder, et, finalement, nous guide à travers un passage à l’accès dissimulé dans un mur, grâce auquel nous nous retrouvons chez lui.

A la sortie de ce passage, nous soulevons une grosse trappe, et nous hissons à la suite du gros marchand. Là, une surprise de taille nous attend … L’homme, visiblement inquiet pour sa sécurité, a installé dans la pièce un garde du corps qui vient s’interposer très vite entre nous et son patron, une épée de belle taille à la main. Mais la trappe restée ouverte aura raison de tous ses élans, et de sa nuque, somme toute fragile…

Nous décidons d’attendre la nuit, et de fouiller l’habitation de ce gros marchand, pendant qu’il sommeille à poings fermés (et à pieds et poings liés …) sous l’effet de l’efficace decoction de sommeil que nous lui avons fait absorber. Notre visite nous apprend tous comptes faits peu de choses. L’homme se livre à des traffics en tous genres, dont nous trouvons une comptabilité dans un livre, et vit plutôt confortablement : nous dénichons un coffret contenant l’équivalent de 200 pièces d’or. Nous sommes hébergés dans le magasin de ce truand, mais ce n’est pas sa résidence. Toutefois, nous ne trouvons aucune information intéressante sur le sommet de cette organisation à laquelle il appartient, et que nous désirons tant infiltrer. De là, nous aurions accès à un réseau d’information grâce auquel nous pourrions rechercher plus efficacement Iazur…

Ne trouvant rien, nous devons à nouveau utiliser la contrainte, et c’est presque sous la torture, alors que l’une des phalanges de sa main droite allait être sectionnée par la dague de Lothar, que le gros homme finit par céder, et promet de nous emmener vers le grand patron de ce réseau. Et nous nous mettons en route vers l’enceinte de la ville, à l’intérieur de laquelle se trouve l’homme en question. Au fur et à mesure que nous approchons, Bhob nous signale que le marchand prend des chemins de moins en moins directs pour accéder aux portes de la ville, et que celle qu’il a choisi est de loin la plus surveillée …

La méthode coercitive est à nouveau mise à contribution. Pendant que Lothar, invisible, survole les environs, nous faisons une petite pause dans une ruelle bien sombre, et nous expliquons une fois de plus avec ce marchand si peu commerçant avec nous.

- Je crois que nous ne sommes pas bien fait comprendre, dit Lénaël.
- Mais, je …
- Ecoute moi bien, gros père, on y voit très clair dans ton manège. Il me semblait pourtant avoir été explicite : tu nous emmènes à ton patron, sans entourloupe, et on te laisse la vie sauve.
- (craquant…) Mais je ne peux pas faire ça, sinon je suis un homme mort (sanglots…)
- Tu es déjà un homme mort, reprend Bhob, tous les espions de la ville t’ont vu avec nous, tu n’as plus le choix …
- Pour m’assurer de ta bonne foi, reprend Lénaël, je vais te faire boire ce breuvage, qui contient les extraits d’une plante carnivore capable de se développer dans les entrailles humaines. Si tout se passe bien, je te donnerais le contrepoison, et tu survivras. Sinon …
- Ça ne m’intéresse pas. De toute façon, sitôt bu ce soit disant antidote, je me retrouverai avec un couteau dans le dos, ou égorgé dans une ruelle sombre, alors autant mourir tout de suite.
- Tu as tort, lui répond Bhob, si tu nous aides jusqu’au bout, nous pouvons te reconduire jusqu’aux limites de la ville, et tu pourras toujours essayer d’aller vivre ailleurs, ce qui vaut mieux que de mourir ici …
- Et de plus, tu n’as pas le choix pour ce qui est de boire cette petite préparation. Allez, cul sec …

Et l’homme est contraint de s’exécuter, la main tremblante, la lame de Lénaël sous la gorge.

Le petit groupe peut enfin repartir. Le franchissement de la porte principale de la cîté se passe sans encombre, malgré le manque évident d’entrain de notre guide. De sa position, Lothar surveille le groupe, et tente de déceler l’éventualité d’une filature. A bonne distance derrière Ternibel, Lénaël, Naf, Bhob et notre guide, un homme en blanc semble garder le groupe en ligne de mire, et, bien que ne cherchant pas à s’en approcher, ne se laisse apparemment pas distancer lors des changements de rythmes causés par la foule. Lothar en informe Lénaël par leur moyen habituel de communication, et ils décident quelques manœuvres pour s’assurer que c’est bien après eux qu’en a l’homme. Rapidement, il s’avère que c’est le cas, et qu’il est même expert en la matière. Il finit par entrer dans l’une des luxueuses échoppes qui bordent cette rue qui monte vers les hauteurs de la ville.

Notre marchand finit par nous indiquer la demeure, très cossue, de son patron, lui même apparemment grand marchand, située dans la partie haute de cette rue, et dont la porte est gardée par deux hommes en armes. Nous décidons d’en surveiller l’entrée jusqu’à ce que son propriétaire se manifeste. Après une bonne heure de patience, nous voyons arriver un homme replet, richement vêtu et visiblement content de sa personne, encadré d’une escouade de gardes très correctement armés. Tout ce petit monde de s’engouffrer à l’intérieur. Bhob semble penser qu’en effet, ce gros poussah de Smilan Torok -c’est son nom- dont l’influence sur la ville est bien connue, pourrait bien être la tête de l’organisation que nous recherchons depuis notre arrivée.

La part du marché de notre guide étant accomplie, à nous d’exécuter la nôtre. Bhob, Ternibel et Naf le raccompagnent donc aux limites de la ville, après un détour chez lui pour récupérer quelques petits objets de valeur, et ne pas dire adieu à la mégère acariâtre qui lui sert d’épouse. Là, ils lui remettent le flacon d’antidote promis, qu’il boit avidement, sans avoir conscience d’absorber un liquide ayant aussi peu de propriétés extraordinaires que le soit disant poison qu’il avait ingéré auparavant, avant de s’éloigner, courbé sous le fardeau de son destin, sans même se retourner sur cette ville. Cette besogne effectuée, le trio se remet en route vers l’enceinte de la cîté, mais sans laissez-passer, cette fois.

Pendant ce temps, Lothar, redevenu visible, et Lénaël, ont entrepris de poser leurs nez respectifs sur des parfums, dont une splendide échoppe regorge littéralement.

- Puis-je vous être utile, messires ?
- Vous avez là une magnifique boutique, marchand. Ne trouvez-vous pas, mon cher ?
- Tout à fait, monsieur l’ambassadeur ! … Et quelles fragrances, et quels parfums … C’est tout à fait nouveau, cela pourrait faire fureur à Isturia …, dit Lénaël à Lothar en prenant une voix très pincée

A ces mots de Lothar, le marchand ne se sent plus de joie …

- Vous êtes négociants, peut-être ?
- Nenni, mon ami. Nous sommes des ambassadeurs d’Isturie, un pays situé à plusieurs mois de voyage au nord-ouest du vôtre, et nous voulons mettre sur pieds des échanges commerciaux. Dans ce cadre, la nature de vos parfums nous semble particulièrement intéressante, car les fragrances qu’ils contiennent nous sont pour la plupart totalement inconnues. Dans un premier temps, nous souhaiterions vous passer une commande modeste de divers parfums, des échantillons, et par la suite, nous pourrions passer à des quantités plus conséquentes.
- Un ou deux de celui-ci, et de celui-là, de ce musc, …
- Oui, c’est très bien, deux caisses de chaque me semble sage pour débuter.
- Gasp … Tout de suite, mes Seigneurs. Si vous le permettez, je vais appeler le responsable de cette échoppe, qui pourra vous recevoir comme il sied.

Et le marchand de s’absenter quelques instants, avant de reparaître avec un homme vêtu de blanc, que Lothar identifie tout de suite comme étant celui qui filait le groupe lorsqu’il a pénétré dans l’enceinte de la ville.

Il semble intéressé par ce que les deux faux ambassadeurs lui proposent, mais prétexte qu’il n’a pas tous les pouvoirs sur les grosses transactions, et qu’il ne peut donc s’engager fermement sur un contrat. Lorsqu’est envisagée l’idée d’une entrevue avec le plénipotentiaire, il fait tout pour temporiser, mais en même temps, semble prolonger artificiellement la conversation. Bhob, à nos côtés depuis peu, devient de plus en plus nerveux, et nous incite à prendre la poudre d’escampette. Nous finissons par céder, et retrouvons à l’extérieur du magasin Ternibel et Naf, de retour de leur mission. Bhob peut enfin s’expliquer.

- Qu’est-ce qui t’arrive ? demande Lothar
- Le type en blanc …
- Quoi le type en blanc ?
- Vous n’avez rien remarqué ?
- Non, à part que c’était lui qui vous filait tout à l’heure, rien de spécial.
- Eh bien, pendant qu’il vous parlait, ses doigts se remuaient à toute vitesse.
- Un code ?
- Un langage gestuel utilisé dans les différentes organisations. Quand le marchand est sorti dans l’arrière boutique, il venait de lui ordonner de courrir chercher la milice pour vous mettre le grappin dessus !
- Oh … Oh … Je crois que le temps se gâte …

Le "Cling" … Flap … et Lothar, invisible à nouveau, a pris son envol.

Le "Cling" … et Lénaël a disparu lui aussi.

Le reste du groupe se précipite "tranquillement" vers les portes de la ville, qu’il franchit paisiblement sous le regard bovin de la garde. Quelques instants plus tard, l’homme en blanc arrive à l’enceinte de la cîté, suivi d’un corps de la milice. Visiblement, de la position qu’occupe Lothar, il semble très contrarié que ses proies lui aient échappé. Il ordonne à la milice de faire demi-tour, quand soudain …

... un éclair de feu, issu de la main de Ternibel qui s’est dissimulé au dessus de la grande porte, traverse le ciel de la cîté et vient s’abattre sur lui. L’homme s’effondre, et la milice est décimée.

Il se relève, titubant et noirci par le feu, et, alors qu’il porte la main à la garde de son épée, Lothar lui décoche une flèche dans le cœur qui lui ote son dernier souffle. Dans la rue, la surprise a fait place à la panique, et tout le monde court dans tous les sens. Lénaël, toujours invisible, n’a pas perdu le sens des affaires, et s’est approprié la remarquable épée de feu le chef de la milice.

Restait donc, pour faire aboutir notre plan, à nous introduire chez ce respectable marchand qui était à la tête de notre organisation, et dont les liens avec la milice semblaient être bien étroits. De là, la recherche de Iazur pourrait véritablement commencer.

La résidence de notre cible étant située en centre ville, et étant conséquemment gardée, nous optons pour une méthode très discrète, qui nous permettrait de mieux passer inaperçu : l’attaque de front !

C’est ainsi que Lénaël et Lothar grimpent sur toît du domicile de notre gros marchand, et commencent à distribuer pierres et tuiles à tire larigo. En quelques instants, au sol, c’est la panique. Les gardes se protègent sous des écus tout en essayant de discerner ce qui peut se passer au dessus, les vitres tombent. Rapidement, la très professionnelle garde s’organise. Une petite équipe en armure avec des arbalètes sort de la maison, les accès sont isolés. A l’intérieur, c’est le branle-bas de combat. Les deux compères se sont rendus invisibles et, par une fenêtre brisée, se sont introduit dans une pièce de l’étage supérieur. Là, ils attendent que le calme revienne.

Dehors, étrangement, l’attaque semble avoir cessé … Soudain, une porte s’ouvre, et deux gardes entrent dans la pièce. Ils l’inspectent de fond en comble, et, ne trouvant rien d’anormal, en ressortent en laissant deux hommes en faction devant la porte restée ouverte.

Jusqu’à la nuit tombée, Lénaël et Lothar vont rester "dissimulés". Puis, ils décident de passer à l’action, toujours invisibles, et d’essayer de localiser leur victime. Passée la porte, ils découvrent un couloir dans lequel deux gardes sont postés devant une porte close. Sûrement l’appartement du gros marchand. A une extrémité du couloir, un escalier permet d’accèder à l’étage supérieur. Ils l’empruntent et se retrouvent ainsi dans les combles. La situation semblant, momentannément bloquée, ils doivent se résoudre à déranger le malheureux Ternibel dans son sommeil. C’est Jerry la souris et Tom la fouine qui s’en chargent. C’est ainsi que le magicien se fait réveiller en se faisant mordiller les deux oreilles. Peu après, un hullulement de chouette se fait entendre sur le toît de la maison.

Quelques tuiles judicieusement ôtées permettaient bientôt au troisième larron de venir rejoindre ses deux compères, qui lui expliquent rapidement la situation.

- Jusque là, il n’y a rien d’insurmontable. Les appartements du gros doivent être en dessous, mais vous ne savez pas comment ils sont configurés, ni où lui se trouve. Je peux le faire.

Et le mage de se concentrer, de marmonner quelques incantations incompréhensibles, pour finalement reprendre conscience et déclarer :

- Pas de problème, nous y sommes bien. Il y a deux pièces dans les quartiers de notre homme. Une petite, avec un lit dans lequel dort une toute jeune fille, et une plus grande, avec un lit à baldaquin qui occupe la moitié de la surface, et dans lequel se trouve notre cible. je pourrais faire apparaître un orifice temporaire dans le plafond pour que vous puissiez descendre faire un brin de causette avec lui.
- Eh bien voila, ça n’est pas plus compliqué que cela, tranche Lénaël. On fait un trou, et on y va !
- Une petite seconde! intervient Lothar. Plutôt que de descendre à lui, il serait plus judicieux de le faire venir à nous. On benéficierait de l’effet de surprise, on éviterait des désagréments avec les gardes si le gros pouf se montrait récalcitrant, et, si les choses tournaient vinaigre, la sortie par le toît serait toute disponible.
- Pas mal … agrée Lénaël, on fait comme ça.

Et le magicien à nouveau de se concentrer, de marmonner quelques incantations incompréhensibles, et le sol de s’ouvrir sous nos pieds. Un petit trou, d’abord, puis une cavité qui s’élargit à vue d’œil pour finalement atteindre une taille suffisante pour faire passer le corps de notre marchand endormi. Puis, à l’aide d’une nouvelle incantation, il le fait léviter jusqu’à ce qu’il soit à hauteur de combles, avant de refermer la cavité qui avait permis son passage, et de le reposer au sol avec une infinie délicatesse.

- Et voila le travail …
- Magnifique, Ternibel, on croirait de la magie … rigole Lothar !
- Si vous n’avez plus besoin de moi, je crois que je vais aller me recoucher, en essayant de ne pas réveiller ces deux zouaves de Naf et Bhob qui ronflent presque aussi fort que ce tas de saindoux.
- Bonne nuit, Ternibel, et à plus tard.

Et le magicien de repartir comme il était venu …

Aux pieds de Lénaël et Lothar, le sommeil de la masse semble perturbé. L’homme est réveillé avec un ménagement digne d’un roi, afin d’éviter qu’il ne crie comme un putois en ouvrant les yeux faces aux deux compères. Mais l’étonnement est tel, qu’il reste coi.

- Messire ? … chuchote Lénaël
- Reveillez-vous, Messire … sussure Lothar

L’homme ouvre un œil , le referme aussitôt, avant d’ouvrir l’autre et de le refermer aussi vite.

- Non ! Je suis en train de faire un cauchemard …
- Non Messire, vous ne rêvez pas. Vous êtes bien éveillé, fait Lothar, rassurant.

L’homme finit par ouvrir les deux yeux, se redressser sur son auguste derrière, et regarder autour de lui.

- Mais qui êtes-vous ? et qu’est-ce que je fais ici ?
- C’est nous qui vous y avons amené, Messire … dit innocemment Lothar, et nous ne vous voulons aucun mal, mais juste retenir toute votre attention.
- Oui, enchaîne Lénaël. Nous sommes de passage dans la région, pour quelques temps, et nous souhaiterions mettre à votre service nos compétences d’hommes de terrain.
- Nous sommes sûrs, continue Lothar, qu’elles peuvent vous être utiles.
- Etant donné ce que je viens de voir, je le crois aussi. Mais plutôt que de continuer cet entretien à cette heure tardive, je vous propose de venir manger avec moi demain midi, je verrais ce que je peux faire pour vous. En attendant, j’ai deux mots à dire à ma garde personnelle. Si vous voulez bien m’excuser …

Et le gros marchand de se lever et de descendre d’un pas lourd les escaliers qui le ramenaient à sa chambre.

Les choses semblaient en bonne voie. Après un moment de repos bien mérité, les deux compères redevenus invisibles peuvent quitter les lieux le plus tranquillement du monde, et rejoindre Ternibel, Bhob et Naf qui sommeillent paisiblement dans une discrète auberge sous la garde efficace de Jerry la souris et Tom la fouine.

Le lendemain, à l’heure du déjeuner, nous nous présentons tous trois, Bhob et Naf étant restés à l’extérieur de l’enceinte, au domicile de notre hôte nocturne. Lénaël, arborant l’épée de l’homme en blanc qui avait succombé à un étrange éclair tombé du ciel un jour sans orage, apostrophe la garde de toute sa morgue et assène au vigile de base un "Nous sommes attendus à déjeuner par Smilan Torok, veuillez nous annoncer …" bien senti.

Bientôt, nous sommes autour de sa table, où la chère est d’ailleurs excellente, et nous pouvons discuter un peu mieux de nos projets.

L’homme se laisse convaincre sans difficulté de ce que nos compétences peuvent lui être d’une grande utilité, surtout en les circonstances actuelles, pensez donc, un chef de la milice à remplacer … A la fin du repas, Lénaël se trouve promu chef de la milice, et Lothar chargé du réseau de renseignement parallèle qu’elle constitue. Ayant atteint notre but avec tant d’aisance, nous prenons congé de notre hôte, non sans avoir obtenu un logement de fonction en ville. La belle vie, quoi …

Les semaines commencent à passer. Nous nous coulons doucement dans notre nouvelle peau. Lénaël a fait renforcer la sécurité chez le gros marchand pour rassurer son sommeil, comme s’il n’était pas déjà assez profond, et a sérieusement mis cette milice ramollie à l’entraînement. Lothar a pris le réseau de renseignement en mains, et bientôt, plus rien de ce qui se passe en ville n’a de secret pour lui. Bhob a lui aussi trouvé son compte dans cette histoire, puisqu’il est maintenant coordonnateur d’un petit réseau de renseignement. Le temps était venu de passer à l’action. Le réseau est chargé de remonter toute information relative à Iazur. Qui est-ce, où est-il (où est-elle), quelqu’un en a-t’il déjà entendu parler, en un mot : tout … Mais, de jours en jours, les filets s’avèrent de plus en plus désespéremment vides.

Lors d’une double éclipse, nous découvrons que la ville est baignée dans un halot lumière blanche, résultant de l’intersection de trois grands faisceaux de lumière bleu, rouge et verte, en provenance des trois palais de cristal.

A l’occasion d’une visite à la citadelle de la ville, Terian Mar, le bourgmestre, par ailleurs un homme charmant manipulé comme bon l’entend par le gros marchand, nous dit pourtant que ce nom évoque quelque chose chez lui, mais sans qu’il arrive à nous dire plus précisement ce qu’il en était. Dans son entourage, on nous dira la même chose. Nous commencions à nous approcher … C’est chez notre employeur que nous finissons par découvrir l’identité de Iazur, lors d’un souper auquel participe le bourgmestre.

- Mais au fait, mes amis, avez vous fini par mettre la main sur ce Iazur que vous cherchiez ? nous demande le bourgmestre.
- Pardon ? Est-ce que j’ai bien entendu ? Si vous vous intéressez à ma fille, messieurs, il serait plus simple de me poser directement quelques questions, plutôt que de mettre en branle tout un réseau de renseignements, non ? nous interrompt le marchand.

La réponse du gros marchand nous pétrifie. Nous étions depuis des semaines sur les dents, alors que nous avions Iazur sous la main depuis le premier jour !

C’est Lothar qui finit par prendre la parole et essayer de brouiller les cartes, histoire de ne pas trop attirer l’attention sur les buts réels de notre mission en ces lieux.

- Votre fille ! Alors ce ne doit pas être le même Iazur. Nous essayons sans succès de mettre la main sur un brigand de grand chemin qui sévit dans la région depuis plusieurs semaines, et qui se fait appeler Iazur, et il y a peu de chance que ce soit votre Iazur.

L’homme semble rassuré, et le repas peut se terminer dans la bonne humeur et les pâtisseries à la crême.

Iazur est une toute jeune fille, d’environ quatorze ans, d’un naturel sérieux et studieux, et à l’intelligence très vive. De longs cheveux bruns descendent autour de son visage à l’expression déjà adulte, et elle semble, malgré son jeune âge, dégager une certaine autorité. A tout ce qui n’est pas rationnel et matériel, elle ne souhaite pas s’intéresser, et à la magie moins que tout, au grand dam de Ternibel qui semble lui trouver quelques prédispositions, ce que corrobore Naf.

En ce qui nous concernait, les dés étaient jetés. Nous allions enlever la douce enfant des bras de son père, pour la ramener au chateau et lui faire rencontrer sa destinée.

Dès la prochaine éclipse passée, Naf se met en route, seul, en direction du palais de Karumks. De notre côté, sept jours plus tard, nous assaisonnons la tisane du soir de toute la tablée du gros marchand, mis à part nous, et, après avoir laissé une fausse lettre d’adieu de Iazur à son père, nous nous envolons avec l’oiseau rare. Ternibel téléporte l’enfant jusque dans les bras de Naf, à sept jours de là, dans un petit village paysan que nous avions traversé à l’aller, puis envoie Lénaël les rejoindre tous deux.

Le magicien, un peu fatigué par ces efforts répétés, ne parvient pas à faire de même avec Lothar, et il lui faut une seconde tentative pour lui faire rattraper l’elfe, le gnafis, et l’objet de la prophétie. Avant de les rejoindre à son tour, il doit dormir un peu et reprendre quelques forces afin de pouvoir utiliser sa magie. Bientôt, nous faisons route vers le palais de cristal bleu, ou Sudrank pourra nous aider un peu dans l’éducation à donner à cette demoiselle au destin aussi exceptionnel que le caractère.


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