Iskmiar - VI

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Medrilan, Auberge du Lion d'Argent. Nous sommes réunis tous les six, Iazur, Aspriz, Lothar, Lénaël, Ternibel et Naf, autour d'une table devant les restes d'un frugal repas. Dans les affres de la digestion, nous essayons de voir clair dans tout ce qui nous arrive.

- Ecoute, Ternibel, taquine Lénaël, c'est toi le cerveau de la bande, alors fait un petit effort, parce que sinon, on n'est pas sorti de l'auberge ...
- Oui, alors euh ... là, c'est un peu facile, parce que moi je n'ai rien demandé, et en plus, je dois avouer que toutes ces histoires de magiciens fous, de siisks et de gnafis, de Sarkaïs et d'Ankaïs, d'éclipses de glace et de prophéties commencent à m'épuiser franchement. Au moins, sur Treskians, les choses étaient simples ...
- ... on pourrait essayer de faire le tour de ce que l'on croit avoir compris ? tente Aspriz ...
- Aspriz a raison, continue Lothar, faire le point dans le brouillard ne peut pas nous faire de mal. Si on résume tout ce que l'on croit savoir aujourd'hui, nous disposons quand même de quelques éléments ... non ? ...
- Poursuis ... l'incite le grand elfe.
- Bon. En essayant d'être clair ... Nous savons que les magiciens bleus sont à nos portes et que le triangle formé par les trois palais de cristal, au coeur duquel se trouve Medrilan leur est inaccessible. Mais pour combien de temps ? ... Nous savons que Iazur est l'objet de la prophétie, et qu'à cet égard, elle doit affronter et détruire ces deux magiciens afin que "ce qui a été fait à tort soit défait". Nous savons également que quelqu'un cherche à lui porter préjudice. De plus, la tentative de meurtre sur Iazur a été effectuée par des hommes habillés en Sarkaï. Enfin, nous avons découvert qu'il existe une connivence entre les Sarkaï des trois palais de cristal.
- Magnifique ... clame Ternibel ... très belle analyse votre excellence ... reste encore à nous exposer les points qui nous arrêtent ...
- J'y viens, enchaine Lothar. Il nous reste à comprendre pourquoi les Sarkaïs en veulent à Iazur, et, si ce n'est pas eux, qui se cache derrière cette masquarade. Et enfin, et surtout, il nous reste à trouver comment amener Iazur en position de combattre les magiciens bleus et de réaliser la prophétie.
- Et puis, pendant que tu y es, continue le magicien, tu vas nous expliquer ce qu'il faudrait faire pour cela ... non ? ...
- Ecoute, Ternibel, essaye de tempérer Aspriz, on est tous dans ta situation, un peu perdu, avec la légère impression de se faire manipuler dans le brouillard. Mais ce n'est pas une raison pour déprimer. On avance, non ? ...

Pendant que le demi-elfe bientôt relayé par Aspriz, et le magicien se taquinent joyeusement, Lénaël a remarqué à une table voisine de la notre, un groupe d'une douzaine de paysans à l'accent rural fortement marqué, qui finissent d'arroser copieusement leur repas. Leur allure tranche fortement avec le style de l'auberge que nous n'avions vu accueillir que des citadins aisés et bien vêtus.

Intrigué, Lénaël prend sa choppe et va s'asseoir à leur table pour tenter de lier conversation. Bientôt, Lothar intrigué lui aussi, s'approche du comptoir et glisse quelques mots à l'aubergiste.

- Dites-moi, ces oiseaux-là,vous les connaissez ?
- Non, messire, c'est la première fois qu'il séjournent ici.
- Il y a longtemps qu'ils sont là ?
- Cela fait trois jours qu'ils sont arrivés.
- Merci, aubergiste ...

Au même moment, Lénaël était en train de sonder le groupe de paysans à l'aide de son amulette de détection de magie, afin de tenter d'y découvrir une trace d'enchantement. Mais, étrangement, l'amulette lui indiquait la présence de magie non pas sur le groupe mais sur les murs de l'auberge, à l'instant même où ...

- Que tout le monde reste à sa place ! ...

Un groupe de Sarkaïs venaient d'entrer dans l'auberge, par une méthode peu conventionnelle certes, mais ils étaient à l'intérieur et c'était tout ce qui importait ... Tout autour de la salle, espacés de quelques mètres, se tenaient une dizaine de Sarkaïs, visiblement entrés sans trop se soucier de la consistance des murs. L'un d'entre eux, celui qui avait déjà pris la parole pour annoncer l'intrusion du groupe, s'approche un peu du centre de la salle, et lance d'une voix forte :

- Vous ! ... Vous allez nous suivre tranquillement, sans faire d'histoires, pour répondre à quelques questions, et de vos crimes. Comme vous le voyez, nous sommes venus en nombre suffisant pour parer à toute intention malencontreuse ...

Un rapide coup d'oeil autour de nous nous confirmait que ce n'était pas après le groupe de paysans que les Sarkaïs en avaient, mais après nous, ce qui ne nous étonnait qu'à moitié.

Lothar, toujours accoudé au comptoir, non loin de l'aubergiste, tente alors d'établir une liaison mentale avec Iazur, ce qu'il n'a jamais fait jusqu'à maintenant. Et surprise ...

- Iazur ? ...
- Mais qu'est-ce que tu fais là, Lothar ? ...
- Juste un petit essai, concluant, d'ailleurs ... Surtout, tu ne tentes rien de particulier tant que je ne te fais pas signe, attendons de voir comment tout ça va évoluer ...
- Bon, si tu le dis ...

Au même moment, alors que le groupe de paysans a repris sa bruyante discussion, Lénaël a pris la parole et s'est adressé au chef des Sarkaïs :

- Que nous voulez-vous ? ...
- Simplement avoir une petite discussion avec vous.
- Et nous juger ? ...
- Il y a de ça ...

... et l'homme étend le bras en commençant à marmonner le début d'une incantation ...

Brusquement, l'un des paysans se lève dans un mouvement fulgurant, et se tournant vers le Sarkaï, projette vers lui une triade de feu dont la simple vue provoque des frissons de le dos de Ternibel, avant de s'écrier :

- N'est pas Sarkaï qui veut ! ...

En quelques fractions de seconde, tous les paysans attablés sont dressés, leurs lourds batons s'étant mués en épées, et il est clair qu'à la vue de leurs tenues et de leur port, ce sont des Sarkaïs, des vrais ... Profitant de l'effet de surprise, ils se ruent sur les Sarkaïs, les faux ...

Encore une auberge qui allait avoir du soucis à se faire ...

Lénaël s'est catapulté hors de sa chaise vers l'ennemi le plus proche, Ternibel est en train de se concentrer en préparant une incantation, et Lothar, devenu invisible, a sauté par dessus le comptoir, et a ré-ouvert la discussion avec Iazur :

- C'est encore moi, Iazur ...
- Oui, Lothar ? ...
- Occupes-toi de celui qui est à gauche du comptoir, je m'occupe de celui qui est à droite ...
- Enfin ! Un peu d'action ...

Mais avant même qu'il ait pu porter son attaque, l'un des Sarkaïs était déjà sur place, et il en était de même pour la cible de Iazur. Bientôt, un cylindre de feu, provoqué par Ternibel, entoure de sa protection (?) la table du magicien où siègent encore Iazur, Naf et Aspriz.

Quelques instants plus tard, avant même que nous ayions pû porter le moindre coup, tout était terminé, dans un véritable carnage, où seul subsistait un survivant qui avait eu la lucidité de se rendre. Quand à l'état de la salle d'auberge ... le cylindre de flammes de Ternibel finit de disparaître, laissant un plafond fumant et complètement noirci ...

Le Sarkaï qui avait ouvert les hostilités s'avance alors vers nous. A bien le regarder, il ressemble étonnamment à Tremin Narimias, le rescapé de notre chaude embuscade sur le convoi de Sarkaïs du chateau rouge.

- Bien ! commence-t'il en s'adressant à nous, je crois que l'on y voit plus clair, non ?
- Oui ... reprend à tout hasard Lénaël, quoique pas tout à fait convaincu du bien fondé de la remarque, avant de reprendre. Je ne pense pas que vous soyiez là par hasard ?
- En effet. Nos hiérarchiques souhaiteraient pouvoir vous parler.
- Et nous juger ?...
- Je ne crois pas que le sujet soit à l'ordre du jour ... finit par nous dire Tremin Narimias avec un léger sourire ... Non que le sang que vous avez versé leur ait fait plaisir, mais simplement vous parler.
- ... et eux ? ... interroge le grand elfe en montrant de la tête le survivant des pseudos Sarkaïs.
- Nous avons une petite idée sur qui les a envoyé.

Pendant ce temps, le malheureux survivant s'est mis à table de lui même, face à Lothar et à deux Sarkaïs (des vrais).

- ...
- Tu travailles avec la guilde des voleurs ? commence Lothar
- Nan monseigneur ...
- Pour la contre-guilde, alors ?
- Ah ben nan plus monseigneur. Moi, j'travaille pour moi, quand on fait appel à mes services.
- Qui ça, on ?
- Ah ben, c't'heure, l'homme qu'était avec nous juste avant qu'on entre, c'est çui-là qu'a fait les trous dans le mur ...
- Tu pourrais ... entame le demi-elfe avant d'être interrompu par Lénaël.
- Lothar ! viens voir un peu ... Et de reprendre lorsqu'il arrive à ses côtés ... Vous dîtes que vous avez une idée sur qui a envoyé ces hommes après nous ...

Et le Sarkaï nous explique alors qu'après l'attaque dont il avait été victime, il n'était pas rentré directement dans son chateau d'origine, mais avait été téléporté par Ternibel à l'entrée du chateau bleu. Etrangement, une rumeur avait commencé à courir selon laquelle il n'y avait pas de survivant au massacre que nous avions délibérément provoqué. Les Sarkaïs avaient alors tenté de remonter à la source de cette rumeur, pour finalement arriver jusqu'aux Ankaïs ! ... qui mal informés, nous avaient visiblement pris pour plus bêtes que nous n'étions.

La nouvelle était intéressante, car les Ankaïs n'étaient jusqu'à maintenant jamais apparus dans cette histoire, et quite à compliquer un peu les choses, leur arrivée tombait à pic !

De toutes façons, le temps était venu de quitter l'auberge du Lion d'Argent, dévastée, non sans que Tremin Narimias ne conseille à l'aubergiste éberlué de fermer quelques jours pour remettre un peu d'ordre, et lui laisse une grosse bourse dont la valeur du contenu devait visiblement couvrir les frais. Nous suivons alors les Sarkaïs qui nous emmenent dans l'un de leurs points de chûte en ville, afin de pouvoir y discuter plus tranquillement.

L'entrée de cette planque est discrètement dissimulée derrière la façade tranquille d'une petite échoppe de fruits et légumes. Là, les Sarkaïs commencent à interroger le survivant. Rapidement, il apparait que l'homme n'est qu'un mercenaire, et qu'il n'a pas grand chose d'intéressant à révéler. Toutefois, le fait qu'il ait vu le commanditaire de l'opération inspire à Ternibel une judicieuse idée : Naf pourrait obtenir une image mentale de cet homme à partir du souvenir qu'en a notre prisonnier, et ensuite transmettre cette image à un dessinateur qui pourrait en faire un portrait ! ... simplissime ...

Au beau milieu de la nuit, les Sarkaïs font donc réveiller un dessinateur de la guilde des voleurs, qui se présente une heure plus tard, les yeux tout ébouriffés.

Quelques traits de fusain plus tard, le visage d'un homme figure dans tous ses détails sur une planche de papier blanc. Confronté à ce visage, notre prisonnier le reconnait immédiatement et confirme la précision du dessin. Quant à nous, il ne nous évoque rien du tout, pas plus qu'à Aspriz, ni à Tremin Narimias. En revanche, l'un des Sarkaïs présents le reconnait comme étant un Ankaï du palais de cristal rouge.

Maintenant que l'on savait qui nous en voulait, il nous restait à découvrir pourquoi, et ensuite, dans le cas où c'était bien les Ankaïs qui nous avaient attaqués au chateau bleu, comment ils avaient pû se procurer les tenues des Sarkaïs. Peut-être que, tout comme les Sarkaïs, ils avaient un "pied à terre" à Medrilan ... et si jamais ce lieu était la manufacture de textile ? ... Une énième petite visite s'imposait ... mais avec un peu plus de précautions et de discrétion que d'habitude.

Pour préserver l'avantage stratégique des Sarkaïs, nous seuls pouvions nous y introduire. De plus, pour limiter les risques si l'idée de Ternibel s'avérait justifiée, il valait mieux éviter tout ce qui avait trait à la magie en général, et à la magie mentaliste en particulier : objets, armes et armures en tous genres, Naf, cela allait de soit, et même la capacité de Lothar à établir une liaison mentale écartait le demi-elfe de la liste des postulants à cette expédition nocturne. Tous comptes faits, Lénaël restait seul, et quasiment nu ... Pour ne pas le laisser en si mauvaise posture, nous faisons finalement appel à Meylir.

Les environs de la manufacture sont déserts, et la nuit est d'un noir profond. Par une fenêtre, Lénaël et Meylir s'introduisent à l'intérieur, et se dirigent vers le bureau du responsable auquel ils ont déjà eu affaire. La fouille ne révèle rien. Toutefois, Lénaël finit par remarquer une irrégularité sur le sol. A bien y regarder, quatre dalles semblent bizarres. Meylir découvre un mécanisme, et peut bientôt ouvrir une trappe qui donne sur un escalier. Dans une obscurité absolue, ils descendent très doucement, et finissent par trouver le sol, puis un couloir toujours aussi sombre, un angle, et enfin, un rai de lumière sous une porte. A l'aide de deux miroirs, Meylir utilise cette lumière pour observer la serrure de la porte. Elle est vite crochetée. Entrebaillée avec circonspection, elle révèle une grande pièce, sans surveillance apparente, où sont entreposées des piles de textiles.

Se déplaçant discrètement de pile en pile, Lénaël et Meylir finissent par trouver un tas de vêtements de Sarkaïs dans leur matière bien particulière. Une pièce à conviction de tout premier ordre que le grand elfe se dépêche de glisser dans sa besace. A l'autre extrémité de la pièce, une seconde porte. En collant son oreille dessus, Lénaël entend clairement le bruit de conversations au milieu des sifflements métalliques des ciseaux qui s'ouvrent et se ferment. Sans doute l'atelier. Satisfaits, les deux compères décident donc de rentrer vers le repère des Sarkaïs.

Au petit matin, Tremin Narimias est de nouveau à nos côtés. La tenue de Sarkaï déjà taillée -alors que les Sarkaïs se contentent de prendre livraison des rouleaux de textile...- qu'ont ramenés Lénaël et Meylir le conforte dans ses hypothèses. Ne manquerait plus qu'une pièce à conviction : un Ankaï ...

Au fil de la discussion, nous apprenons quelques éléments de l'organisation des Sarkaïs. Comme nous l'avions bien compris, les Sarkaïs des trois chateaux sont réunifiés. La place d'un Sarkaï au sein de la hierarchie est déterminée en fonction du tétraèdre auquel il appartient. Chaque tétraèdre correspond à une certaine puissance en terme de magie. Les six premiers tétraèdres représentent une première famille. Au sein de chacun des tétraèdres de cette famille, les Sarkaïs peuvent progresser de deux niveaux de magie. Puis vient une seconde famille de quatre tétraèdres, du septième au dizième. Au sein de chacun d'entre eux, les Sarkaïs peuvent progresser de trois niveaux en terme de magie. Enfin, vient le dernier tétraèdre, auquel appartient le hierarque et ses conseillers les plus proches. Les Sarkaïs en-deçà du septième tétraèdre n'ont pas connaissance de la réunification des trois chateaux.

Un peu plus tard dans l'après-midi, Lothar, Lénaël et Ternibel se mettent en quête d'un Ankaï. Après avoir bien observé les environs, ils choisissent une petite auberge miteuse à proximité de la manufacture. Puis, ils vont ensemble se choisir une malle de grande taille au bazar de Medrilan, avant de la ramener dans leur nouvelle résidence.De lafenêtre de la chambre, Lothar et Lénaël ont une vue imprenable sur la manufacture et sur Ternibel qui se promène nonchalamment plus bas. Bientôt, ce dernier indique d'un petit mouvement de la tête qu'il a repéré un individu suspect, puisque sortant de la manufacture.

Au moment où celui-ci s'apprête à disparaître dans une petite ruelle, il est croisé par le magicien, et disparaît pour de bon.

Au même instant, un homme complètement désorienté apparaît dans la chambre de Lothar et Lénaël, où l'elfe le cueille d'un violent coup dans le bas du dos et le demi-elfe lui brise la machoire d'un coup de pied à la face trop bien ajusté ...

Lorsque Ternibel se glisse à nouveau dans la pièce, la victime est ligotée et baillonnée au fond de la grande malle. De là, nous transferons notre prisonnier vers l'antre des Sarkaïs. Tremin Narimias nous y attend.

- Le hiérarque va vous recevoir, nous lance-t'il.
- ... oui ... et où est-il ? ... sans indiscrétion ... questionne Lothar
- Allons-y !

Et Tremin Narimias d'ouvrir une porte. Nous débouchons sur une vaste pièce, dans laquelle, sur une espèce de trône, siège un Sarkaï vêtu d'une tunique blanche. Un peu en retrait derrière lui, se tiennent trois Sarkaïs. Parmi eux, Aspriz reconnait le chef des Sarkaïs du chateau bleu. Les autres portant deux tuniques rouge et verte, nous déduisons assez vite la nature de leurs fonctions.

- Bienvenue, messieurs ... dame. Je me nomme Sermin Narimias, et je suis le hiérarque Sarkaï ...
- ... oui ... c'est mon père ... glisse Tremin Narimias à l'oreille de Lénaël qui lui avait jeté un petit regard interrogateur.
- ... et j'ai souhaité vous voir, non pas du fait du sang Sarkaï que vous avez fait couler, mais pour vous apporter notre soutien et que nous avancions ensemble. Voyez-vous, nous n'avions jamais porté grand crédit à cette prophétie, et quand vous avez fait votre apparition au palais de Karumks, nous ne nous en sommes pas soucié le moins du monde. Tout cela ne nous concernait pas. Mais les faits nous ont prouvé ô combien nous avions tort, et combien votre destin était lié au nôtre.

... après un petit silence, c'est Lothar qui prend la parole ...

- Vos propos nous sont d'un grand réconfort. Il faut vous dire que nous sommes arrivés aujourd'hui à une situation où nous ne pourrions aller plus avant sans votre soutien. Nous avons amené Iazur aux limites de nos maigres compétences, mais si elle doit affronter les magiciens bleus, il va lui falloir aller beaucoup plus loin. Et le seul moyen pour que son pouvoir et sa maîtrise de la magie s'accroissent encore, c'est que vous lui enseigniez votre art
- Je le conçois bien, répond le hierarque, mais cela ne suffira pas. Tout ce que nous pourrons lui enseigner n'aura trait qu'à la magie essentielle. Nous ne pourrons rien lui apprendre de la magie mentaliste, celle qu'utilisent les Ankaïs. Et même si les Sarkaïs manient bien les armes, Iazur devra malgré tout se tourner vers les chefs de guerre des chateaux si elle veut aller au bout de son apprentissage.
- Et pourriez-vous intervenir auprès des Ankaïs ? reprend Lothar, perplexe ...
- Je crois que vous n'avez pas tout à fait saisi la nature de nos relations avec les Ankaïs, continue le Sarkaï, nous ignorons tout de la façon dont ils sont organisés, nous ne savons même pas s'ils sont réunifiés au niveau des trois chateaux, comme nous le sommes depuis maintenant une centaine d'années. Nous nous ignorons mutuellement depuis des siècles. Aussi une tentative d'ouverture ne peut être aujourd'hui que vouée à l'échec. A ce jour, vous seuls êtes en mesure de lier le contact avec les Ankaïs.

... après un long silence, Aspriz s'avance vers Lothar et prend la parole ...

- Ce que l'on peut tenter, c'est d'organiser, sur un terrain le plus neutre possible, une réunion à laquelle nous convierions les trois chefs Sarkaïs des trois chateaux, les trois chefs Ankaïs, les trois seigneurs avec leurs chefs de guerre respectifs. Là, nous pourrions leur parler ouvertement du problème auquel nous sommes tous confrontés.
- Ce me semble être une idée raisonnable, conclue le hierarque après une brève reflexion. Toutefois, il me faut juste vous préciser que je ne pourrais y assister, car je n'appartiens à aucun des trois chateaux, et je ne suis pas sensé ... exister, en quelque sorte.
- Cela nous convient, finit par dire Lothar.

Bientôt, nous prenons congé du hiérarque Sarkaï, et nous retrouvons dans l'arrière boutique du marchand de fruits et légumes.

Là, les conversations reprennent de plus belle. On envisage le lieu de cette réunion, en mesurant bien l'importance de sa neutralité. Finalement, Aspriz, toujours lucide, envisage que nous demandions à Terrian Mar, le bourgmestre de Medrilan, d'être l'organisateur officiel de ce sommet qui pourrait se tenir dans le palais de Medrilan, d'en lancer les invitations et d'héberger les participants. L'idée nous enthousiasmant tous, il ne restait plus qu'à la suggèrer au principal intéressé.

Pendant ce temps, Naf avait sondé l'esprit embrumé de notre prisonnier, et avait conclu qu'il s'agissait bien d'un Ankaï, même s'il était difficile d'en tirer plus de lui du fait de sa résistance. Etant donné les difficultés que nous avions eu à tirer quelques informations de Tremin Narimias lorsque nous l'avions capturé, nous n'étions pas plus étonné du barrage qu'offrirait un Ankaï à notre interrogatoire.

Les choses étant plus claires, nous nous partageons le travail. Lénaël et Ternibel se chargent de mettre l'Ankaï en présence des magiciens bleus et des armées siisks et gnafis qui se tenaient aux limites du triangle formé par les trois chateaux, afin de lui faire prendre conscience de la réalité, avant de le relacher pour qu'il aille au plus vite faire un rapport.

Aspriz et Lothar se chargent pendant se temps de convaincre le bourgmestre. Etant donné le chaos qui règne à Medrilan depuis quelques mois, Terrian Mar est très rapidement d'accord avec l'idée d'organiser un sommet, chez lui, dont le but serait de rétablir l'ordre et la tranquillité sur la ville et ses environs. Il se propose donc, conformément à notre demande, d'inviter tous les participants que nous avons prévus, et fixe la date des festivités à douze jours après la prochaine éclipse, qui devait encore se faire attendre un peu. Toutefois, il nous demande plus de précisions sur l'orientation que nous voulions donner aux débats, ce que nous ne pouvons malheureusement lui révèler, pour le moment.

A bien y regarder, Terrian Mar n'était pas aussi manipulé par Smilan Torok, le père de Iazur et chef de la guilde des marchands, que nous l'avions pensé lors de nos premières entrevues avec lui. Il savait avoir son autonomie sur les sujets importants, et feignait simplement de se laisser influencer par le gros marchand sur les sujets plus quotidiens qui n'allaient pas à l'encontre de ses idées sur sa cité.

Bientôt, des messagers partent ventre à terre vers les trois chateaux pour remettre en main propre des participants les invitations rédigées par le bourgmestre.

Pendant ce temps, Ternibel avait téléporté Lénaël et son Ankaï à proximité de l'armée siisk, et les y avait rejoint. Là, ils avaient entrepris de lui expliquer la nature de cette étrange concentration, et sa raison d'être, avant de retourner à pieds à la limite -intérieure- du triangle protecteur des trois chateaux pour la nuit.

Le lendemain matin, la même opération avait été réalisée avec l'armée gnafis. Puis l'Ankaï avait été libéré à proximité du palais de cristal vert, et les deux compères étaient rentrés, par téléportation, à Medrilan.

Medrilan. Nous attendons tous depuis maintenant deux semaines que les participants à notre réunion se manifestent d'une façon où d'une autre. Mais rien, toujours rien ...

Au cours d'un banal déplacement en ville, une rue se trouve étrangement barrée devant et derrière nous par un groupe d'une bonne douzaine de personnes, parmi lesquelles nous identifions vite des mercenaires mais aussi quelques Ankaïs. En quelques instants, Ternibel entraine Iazur, Aspriz et Naf dans une petite impasse, et commence à préparer un sort dont la délicatesse allait en étonner plus d'un. Lénaël et Lothar ont disparu, et ce dernier, par la voie des airs, s'est positionné derrière le groupe d'agresseurs. Alors que l'étau se resserre très vite, les armes sortent de leurs fourreaux. L'arc de Lothar commence à décimer les rangs des mercenaires, pendant que Lénaël oeuvre à l'épée, et qu'un mur de feu vient d'apparaître, isolant la petite impasse du reste du monde, et embrasant "par hasard" les quelques malheureux mercenaires qui se trouvaient là, forçant Aspriz à les achever à leur sortie de cette brûlante épreuve, pour mettre un terme à leurs souffrances. A l'autre bout de la rue, deux Ankaïs marmonnants depuis quelques secondes ont lancé sur Lothar et Lénaël un sort qui visiblement, bien que puissant, ne les affecte pas : la petite pierre qui volète autour de la tête du grand elfe se met subitement à tourner très vite, attestant de la puissance du sort, et Lothar, lui, réussit à se dégager de la zone visée par l'Ankaï, ne ressentant qu'une légère brise qui lui caresse le visage. Ternibel, quant à lui, s'est transposé de l'autre côté du mur de feu, et dépose une superbe boule de feu sur ces deux Ankaïs, leur otant définitivement toute faculté de lancer des sorts. Bientôt, l'unique survivant se décidera à quitter le terrain de l'affrontement, avec lâcheté et précipitation, mais muni d'un bien rare pour ses compagnons d'infortune : la vie ...

Après celà, dans le but d'éviter de semer le trouble dans Medrilan, pour épargner les nerfs de Terrian Mar, nous décidons de nous faire héberger discrètement par les Sarkaïs. Là, Sermin Narimias commence à enseigner à Iazur les subtilités de la magie essentielle.

Mais toujours pas de réponse des participants à notre réunion ...

Enfin survient la double éclipse. Quatre jours plus tard, les Sarkaïs nous apprennent que les chefs Ankaïs des trois chateaux ont donné leur accord pour être présents à la réunion qui doit se tenir d'ici à huit jours maintenant. Nous nous précipitons alors chez le bourgmestre, pour lui exposer notre plan plus précisément que nous n'avions pû le faire la fois précédente. Ce que nous attendions était simple : d'une part obtenir de chacune des parties l'interprétation qu'elle avait pu faire de la prophétie, afin de mieux comprendre ses motivations, et d'autre part tenter de se mettre d'accord pour agir ensemble contre le risque que représentent les magiciens bleus.

Le jour venu, nous nous retrouvons tous dans l'imposante salle du conseil de Medrilan, sous la présidence de Terrian Mar. Une assemblée qui compte tous ce que la ville et les trois chateaux comptent de nobles, sages et chefs de guilde, s'est pressée dans l'espace réservé au public. Autour de l'immense table, sont assis Terrian Mar, les trois seigneurs des chateaux avec leurs trois chefs de guerre, les trois chefs Sarkaïs et les trois chefs Ankaïs, ainsi que nous six. Bientôt, le bourgmestre se lève et prend la parole.

- Mes Seigneurs, mes Dames, nobles invités, permettez-moi d'ouvrir cette séance en vous souhaitant la bienvenue à Medrilan et en vous remerciant de votre présence. J'ai souhaité vous réunir ensemble aujourd'hui pour aborder des questions de sécurité qui nous concernent tous, et qui semblent prendre leur origine au plus profond de notre histoire. Depuis plusieurs mois, le calme de notre région a été quelque peu perturbé. Les six personnes que vous voyez à ma droite (désignant Lothar, Lénaël, Ternibel, Aspriz, Iazur et Naf) y sont directement liées, et vont vous en parler plus précisement.

... après un petit instant de silence, Lothar se lève et prend la parole à son tour ...

- Pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je suis Lothar Peredhil, de Treskians. Comme vous le savez sûrement, mes seigneurs, mes camarades et moi-même sommes arrivés, par hasard, même si le mot est mal choisi, il y a maintenant quelques mois au chateau du Seigneur Karumks. Là, nous avons découvert l'existence d'une ancienne prophétie qui, visiblement, faisait état de notre existence. Puis-je demander, Bourgmestre, au très sage Sudrank, de la citer et d'en donner son interprétation ?
- Si les participants n'y font pas d'objection, vous le pouvez, répond Terrian Mar.

... un rapide tour de table donnant à Lothar l'assentiment de chacun, le voleur se tourne vers Sudrank, dans l'assemblée, et l'invite à citer et interpréter la prophétie de Sestéria. Le vieux sage reprend alors mot à mot le texte sybillin, et l'explicite avec sérénité, avant de rendre la parole à Lothar ...

- Comme vous le voyez, mes Seigneurs, notre destin était tout tracé, faire en sorte que Iazur puisse restaurer l'ordre ancien, et que les hérésies des magiciens bleus soient annihilées, pour la tranquillité de tous. Pourtant, nous avons été l'objet d'attaques violentes, qui attentaient clairement à notre vie et dont nous n'avons pas pu identifier la provenance. Aussi aurions-nous aimé connaître l'interprétation que chacun d'entre vous a fait de la prophétie ...

... la question provoque quelques toussotements gênés, un moment de flottement au cours duquel tout le monde observe tout le monde, et c'est finalement le chef des Ankaïs du chateau rouge qui prend l'initiative de parler le premier ...

- Avant d'aller plus loin, messire Bourgmestre, je souhaiterai demander que la suite du débat ait lieu à huis clos ...

A ces mots, un silence s'installe, suivi d'un murmure qui enfle dans l'assistance. Visiblement cette requête révoltait complètement les chefs de guildes, Smilan Torok le premier, qui n'envisageaient pas une seule seconde d'être mis à l'écart sur leur propre terrain. Mais Terrian Mar met rapidement fin à ce trouble, en annonçant d'une voix ferme et résolue que la suite de cette réunion se tiendrait à huis clos, conformément à la demande du chef des Ankaïs du chateau rouge. Et nous quittons tous ensemble la salle du conseil dans le brouhaha de la contestation de la foule medrilane, pour aller nous installer dans une pièce de dimensions plus restreintes, sans fenêtres, où le bourgmestre nous garantit une totale discrétion.

Une fois installés, nous nous tournons tous vers l'Ankaï du chateau rouge qui avait demandé ce huis clos. Celui-ci, visiblement gêné, semble chercher une formulation pour ce qu'il a à nous dire.

- ... hum ... hum ... depuis fort longtemps, les Ankaïs pensent qu'il est nécessaire que les trois chateaux se réunifient. Non pas les Ankaïs des trois chateaux, cela est fait depuis plus de deux siècles -à ces mots, les Sarkaïs se jettent des regards exorbités- , mais les trois chateaux globalement, Ankaïs et Sarkaïs confondus. Malheureusement, le fossé qui nous sépare des Sarkaïs est tel, que jamais nous n'avons pu aborder ce sujet de façon ouverte, de peur de réactions négatives. Quand à la prophétie, je dois confesser que nous avons fait un contresens flagrant en l'interprétant : pour nous, l'éternel destin de Iazur, c'était ... sa mort ... et par conséquent, la votre ...

... cela confirmait ce dont nous avions une très forte présomption (l'identité de nos agresseurs à répétition) mais que Lothar n'avait pu dire ouvertement pour des raisons ... diplomatiques. Visiblement, les Sarkaïs semblent très marqués par la déclaration de l'Ankaï, et c'est bientôt le chef des Sarkaïs du chateau bleu qui prend la parole ...

- J'ai dans l'idée que nous n'avons pas beaucoup de raisons d'être très fiers de nous aujourd'hui. Nous poursuivons visiblement un but identique au votre, même si cela ne fait qu'une centaine d'années que nous sommes réunifiés, et nous posions les mêmes réserves quand à votre réaction si nous avions abordé le sujet de front. En revanche, pour ce qui est de la prophétie, lorsque nous avons commencé à la prendre au sérieux, c'est à dire un peu tard, notre interprétation a été celle qu'en a fait le très sage Sudrank.

... l'émotion qui marque maintenant les visages des Ankaïs et des Sarkaïs est très grande, et nous comprenons tous, qu'une partie de la prophétie vient de s'accomplir à l'instant, même si une part significative reste à faire. C'est Lothar qui reprend la parole ...

- Maintenant que nous connaissons le chemin que nous devons suivre ensemble, nous devons tout faire pour donner à Iazur les moyens de vaincre les magiciens bleus, l'amener à la maîtrise des magies essentielle et mentaliste, et à la maîtrise des arts guerriers, sujets dans lesquels elle a déjà toutefois quelques connaissances. Etes-vous prêts à l'aider à achever son apprentissage ?

... Sarkaïs et Ankaïs nous apportent immédiatement leur soutien. En revanche, les chefs de guerre des trois chateaux se font plutôt prier ...

- Mes Seigneurs, si vous doutez de l'opportunité d'enseigner à une jeune fille les arts de la guerre, se dresse soudain Aspriz, laissez lui au moins la chance de vous montrer ce qu'elle sait déjà faire ! Un combat au premier sang qui l'opposerais à trois champions désignés par vous même ...

... les trois chefs de guerre se concertent, et finissent par accepter, pas convaincus ...

On dégage la salle, et chaque chef de guerre fait mander le champion qu'il a désigné. Puis, le bourgmestre envoie un huissier chercher quatre lames identiques. Enfin tout est prêt.

Les trois guerriers aux carrures impressionnantes entrent bientot dans le jeu, d'abord hésitant à porter de véritables attaques sur Iazur, puis attaquant de plus en plus franchement au fur et à mesure du temps, face à une Iazur qui leur tient la dragée haute, parant et esquivant toutes leurs attaques en virevoltant dans tous les sens, sans véritablement être dangereuse pour eux. Après quelques minutes, le champion du chateau vert se retrouve précipité, après un léger croc-en-jambe, certes, vers une table contre un pied de laquelle il se fracasse, perdant connaissance sur le champ. Il est bientôt suivi par le champion du chateau rouge, qui acheve sa course dans un mur, et sera incapable de se relever. Un véritable duel peut alors commencer entre la jeune fille et le champion du chateau bleu. Après des assauts acharnés, des bottes contrées, des parades et des esquives, Iazur, tout sourire, finit par blesser le guerrier au bras, versant le premier sang ...

Cette victoire révulse littéralement les trois chefs de guerre, mais ils sont contraints d'admettre les qualités de la demoiselle, et acceptent de mauvais cœur de se charger du complément militaire de sa formation.

La réunion peut alors reprendre son cours, non sans que les chefs de guerre ne nous ait fait promettre de ne rien ébruiter de ce qui venait de se passer ... Le reste des discussions portera sur la façon dont Iazur pourrait s'y prendre pour venir à bout des magiciens bleus. Peut-être en utilisant le pouvoir du tétraèdre au milieu duquel siège la cité, et qui semble les repousser. Mais comment réaliser cela ? ...

Sûrement en travaillant beaucoup ... Nous laissons donc Iazur aux mains des Sarkaïs et des Ankaïs.

Le temps passe, et Iazur progresse en compagnie des Ankaïs et des Sarkaïs, et les magiciens bleus sont toujours au bord de la base du tétraèdre.

Après quelques semaines passées à Medrilan, Lothar, Lénaël et Ternibel commencent à se plaindre de cauchemards étranges qui hantent leurs nuits. Ce cauchemard, toujours le même, revient de plus en plus fréquemment. Lothar est suivi par une panthère, noire, d'une taille gigantesque, qui s'approche en lui tournant autour, et finit par lui sauter dessus, juste au moment où il se réveille en sueurs. Lénaël, lui, est attaqué par un titan dont les pas font trembler le sol au fur et à mesure qu'il s'approche de lui, et qui finalement le prend dans sa main pour le broyer, au moment où il se réveille en sueurs. Quant à Ternibel, un esprit maléfique rode autour de lui, l'assaillant sans cesse, et réussit à s'emparer de sa volonté, juste au moment où il se réveille en sueurs.

Après en avoir longuement parlé entre nous, Ternibel émet une idée plus qu'intéressante, selon laquelle ce cauchemard est là pour nous inciter à aller là où nous devrions être ... nous sommes trois, il y a trois chateaux, à nous de trouver où nous devons nous installer pour être à notre place ...

Alors que nous nous préparons à partir ensemble vers le palais de cristal bleu, les Sarkaïs viennent nous voir pour nous confesser une petite cachoterie. L'endroit où nous avions rencontré Sermin Narimias, le hierarque, n'était ni à Medrilan, ni dans l'un des trois chateaux, mais dans un quatrième chateau, un peu plus virtuel que les trois autres, situé au sommet du tétraèdre dont les trois chateaux forment la base. De plus il existait un moyen de se déplacer entre chacun des quatre chateaux, une téléportation incorporée ...

Voila qui était très intéressant et allait nous simplifier la vie. Un peu plus tard, Lénaël, tenant absolument à la couleur, était installé dans le chateau vert, Ternibel, persuadé par Lothar qu'un être de feu et de sang devait nécessairement s'y trouver, était parti vers le chateau rouge, Lothar s'étant résigné à prendre ce qui restait, le chateau bleu. Là, chacun avait cherché s'il existait une pièce jouant un rôle particulier au moment de la double eclipse, phénomène qui reliait les trois chateaux. Et au cœur de chacun des chateaux, il y avait bien une telle pièce, qui était la source du violent faisceau de lumière colorée qui jaillissait des palais de cristaux. Restait à attendre la double éclipse.

Et elle se produit enfin quelques jours plus tard ...

Au cœur du chateau bleu, alors que la double éclipse commence tout juste, Lothar voit se dessiner sur le sol dallé de cristal, un disque de lumière bleue, dont l'intensité augmente doucement, et qui se transforme rapidement en un tube de lumière. Il prend une grande respiration, et pénètre dans le cylindre de lumière.

La lumière n'est plus bleue, elle est blanche. A ses côtés, se trouvent Lénaël et Ternibel, comme il s'y attendait, mais aussi Iazur.

- Que fais-tu là ?
- J'étais dans le quatrième chateau avec le hierarque des Sarkaïs ...

Soudain, comme dans leurs cauchemards, apparaissent l'immense panthère noire, le titan et l'esprit maléfique. A leur tour, Lothar, Lénaël et Ternibel forment un triangle, chacun faisant face à son adversaire, au centre duquel se tient Iazur. Pendant quelques minutes, les trois créatures tentent de s'approcher mais ne semblent pas y parvenir. Puis ...

- Je crois que j'ai compris ...

C'était la voix de Iazur ... et aussitôt, une lumière blanche violente nait dans le dos des trois compères, au cœur du triangle, avant de croître encore en intensité, puis d'augmenter doucement son volume, et finalement d'emplir la totalité de l'espace en une fantastique explosion d'énergie qui les laisse pantois et aveuglés. Puis le silence ...

- Iazur ? ...
- ...
- Iazur ? ... ça va ? ...
- ...

Iazur n'était plus là ...

Lothar, Lénaël et Ternibel restent encore plusieurs minutes immobiles, se tenant la main, incapables de pouvoir réfléchir, avant de briser le triangle.

Lothar était à nouveau dans le palais de cristal bleu, l'éclipse se terminait lentement. Puis, utilisant le moyen dévoilé par les Sarkaïs, il se rend sur la champ à Medrilan, où il retrouve Lénaël et Ternibel. Là, les Sarkaïs et les Ankaïs ont l'air totalement bouleversés, et même atteints physiquement, certains ayant franchement défailli.

- Mais que s'est-il passé ? ... nous interrogent-t'ils ... nous avons ressenti une monstrueuse explosion d'énergie, certains d'entre nous ont même perdu connaissance ...
- Je crois que c'est fini, tout est fini ... répond simplement Ternibel.

Il n'y avait plus de trace de Naf nulle part, pas plus que des armées de siisks et de gnafis ni des deux magiciens bleus. La magie essentielle s'était réconciliée avec la magie mentaliste, et le hierarque des Sarkaïs avait réussi à rencontrer le hierarque des Ankaïs dans le quatrième chateau, alors qu'ils y séjournaient depuis toujours et que la présence de l'un était toujours restée cachée à l'autre, comme par enchantement.

C'était celà ... tout était fini ... la prophétie s'était réalisée, Iazur avait rejoint son éternel destin ... ce qui avait été fait à tort était défait.

Quant à nous ...


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