Le retour de Vitnoz

Par un bon matin de Septembre, on frappa à la porte de Dûrwaith. Il essuya sa barbe qu'il était en train de brosser comme tous les matins, et alla ouvrir. Une grosse sphère rose était en train d'émerger de l'horizon et formait une auréole autour de la tête de l'homme qui se tenait sur le pas de la porte :

"Mon cher Lothar, vous voila enfin de retour. Quel plaisir de vous savoir à nouveau parmi nous !".

Lothar ne le laissa pas aller plus loin, et entra d'un pas déterminé. Il avait l'air de quelqu'un qui a ruminé sa colère pendant des jours et des jours et qui va enfin pouvoir la laisser exploser. Mais il n'explosa pas :

"Eh oui, me voila de retour au pays. Je suis vraiment désolé d'avoir été aussi long ...".

Le ton qu'il employait était chargé de cynisme et d'ironie, et les deux personnages savaient fort bien de quoi il retournait.

Lothar reprit la parole, la conversation monta d'un ton :

"Cette fois, c'en est trop Dûrwaith ! Voila plus d'un mois aujourd'hui que j'ai quitté les bibliothèques de Salenor, et si vous aviez mis autant d'ardeur à me ramener ici qu'à m'envoyer là-bas, je n'aurais pas perdu mon temps dans le désert, sous un soleil de plomb, à tenter d'échapper à des hordes de pillards, à m'user la santé, guettant à chaque instant l'apparition de l'une des infâmes bestioles qui hantent ces contrées dès que la nuit est tombée, et qui m'ont empoisonné la vie des semaines durant. Un jour, vous me paierez ça ...".

Dûrwaith le regardait avec un léger sourire aux lèvres. Il partit d'un franc éclat de rire :

"En tous cas, mon cher Lothar, ces moments pénibles ne semblent pas vous avoir trop affecté, ni physiquement, ni moralement. Vous m'avez l'air en excellente forme à tous points de vue. Sachez toutefois que rien n'est vraiment fortuit en ce bas-monde, et que tout ce vous arrive vous arrive justement parce que quelqu'un a décidé que cela devait vous arriver, pour le bien de tous. Mais assez philosophé, suivez moi plutôt."

Lothar suivit le seigneur-elfe jusque dans une petite pièce qui contenait une quantité indescriptible de grimoires anciens, d'objets étranges, de richesses que Lothar ne pouvait même pas soupçonner ...

Dûrwaith reprit la parole d'une voix plus calme et plus sérieuse :

"N'avez-vous rien pour moi, Lothar ?".

Ce dernier sortit de sa sacoche le manuscrit qu'il avait ramené des bibliothèques de Salenor et le lui tendit. Lorsque le magicien tourna la converture du vieil ouvrage, Lothar sentit quelque chose s'allumer dans son regard. Mais il redescendit très vite sur terre et le félicita chaleureusement pour l'accomplissement de sa mission.

"Voici pour vous dédommager de toutes vos épreuves, et pour ce livre que je vous rachète à bon prix."

Il lui tendit un coffre en bois de petite taille et de très belle facture et lui en désigna un autre, beaucoup plus volumineux, posé dans un coin. Le demi-elfe ouvrit le premier: il contenait un pendentif et un écrin.

"Ouvrez cet écrin : il contient un anneau d'invisibilité. Usez en mais n'en abusez pas ; plus de deux utilisations par jour ouvrable, et il vous en cuira, foi de Dûrwaith. Quand au pendentif, c'est une amulette de clairvoyance. Elle rendra votre jugement plus lumineux, en quelque sorte, cela pourra vous être utile ... Dans le gros coffre, vous trouverez 2000 pièces d'or, votre prime pour m'avoir rapporté ce grimoire."

La colère de Lothar s'était calmée à la vue du trésor que lui remettait Dûrwaith. Ils retournèrent vers le salon et commencèrent à discuter des évènements qu'avait connu Lothar durant son périple. La conversation déviant, ils en vinrent au contenu du grimoire qu'il avait rapporté et aux raisons pour lesquelles Dûrwaith s'y intéressait.

Ce dernier joua franc jeu avec Lothar.

Un messager m'avait averti il y a quelques mois que des évènements sombres se tramaient dans les territoires nordiques, là où vivre n'est un plaisir que pour ceux qui y sont nés, et encore. Ces terres ayant été le lieu d'évènements non moins sombres, je décidai de m'y intéresser ; et en quelques semaines, j'avais à travers les nombreux récits historiques de ma bibliothèque, reconstitué le cours de ces évènements qui s'étaient déroulés il y a près de six mille ans, mais le cours seulement, certains éléments me manquant. Et c'est pour cela que je vous ait envoyé à Salenor, mission beaucoup plus périlleuse qu'elle n'en avait l'air, à la vue de ce que vous venez de me conter. Mais laisser moi vous narrer cette histoire qui se déroule alors que notre bonne vieille ville de Piras n'était encore qu'un gros bourg de quelques milliers d'âmes :

Au delà de Sichuan et de Fjorddir, au delà du cap Sulkur, par delà la grande mer septentrionale d'Uhnor, il existe une étendue aride et glacée, nommée ODADAHRAUN, traversée du nord au sud par une grande chaine volcanique qui secoue régulièrement toute cette partie du monde. Cette terre inhospitalière est malgré tout habitée par quelques dizaines de milliers d'individus, les IGNASKARDS, qui y vivent depuis des siècles. Ils sont des descendants directs des ancêtres des humains d'aujourd'hui, dont l'évolution s'est quasiment stoppée du fait de leur isolement. Toutefois, les conditions climatiques ont tout de même modifié leur aspect ; ils sont plus petits, le nez légèrement épaté, et plutôt grassouillets. Mais il ne faut pas s'y tromper, se sont de redoutables chasseurs. Leur structure sociale est quasiment celle d'une tribu : un grand chef et des conseillers.

Lorsqu' Arskogür, troisième du nom, dit "le bien aimé", vint à mourir à l'âge de 174 ans, après 98 années de règne, son petit fils Merkigil, alors agé de 62 ans, lui succéda. C'était un jeune homme - pardon, un jeune Ignaskard - fort intelligent et très évolué pour un garçon de son âge. Il émanait de lui un charisme peu commun, et il exerça rapidement sur les Ignaskards une influence aussi hénaurne que néfaste, et grandissant de jour en jour. Il ne tarda pas à s'affubler d'oripeaux bizarres, de couvres-chef étranges et de bijoux inhabituels, tous ornés d'un signe anodin aux yeux de ses sujets ébahis par son aura.

merkigil-vitnoz

Pourtant, quelqu'un l'avait percé à jour : l'unique grand mage que ces terres aient jamais portées jusqu'à ce jour - l'histoire a sur notre continent oublié son nom, mais bientôt grace au manuscrit rapporté de Salenor par vos soins, j'espère que justice lui sera rendue - avait reconnu ce symbole 'anodin' : c'était le signe de Vitnoz, l'archange du mal, jadis emprisonné sous les terres glacées de l'Odadahraun qu'il contrôlait aujourd'hui. Ce mage envoya donc sur le continent deux messagers, et mourût peu après leur départ dans des conditions fort mystérieuses. Ces messagers se dénommaient Midarnir et Arasmar, et en quelques semaines ils parvinrent à Okajud - ville assez importante située à quelques jours de marche d'Idokaï - où ils exposèrent leur problème à Armor, un grand mage ami de celui qui les avait envoyés, et disciple de l'immense Trinak. Après les avoir longuement écoutés, il les fit mener à la taverne qui faisait place à son 'cabinet de consultation', puis il s'enferma dans sa bibliothèque, et pendant plusieurs jours on n'eut plus de nouvelles de lui.

Quand il en ressortit, il envoya des messagers aux quatre coins de la ville. Avant la fin du jour, ils étaient de retour, accompagnés de cinq hommes. Armor fit rappeler Midarnir et Arasmar, et ils s'enfermèrent tous les huit chez lui. La nuit fut longue et beaucoup de propos furent échangés. Mais voila en substance ce qui s'y est dit :

D'abord Armor fit les présentations des cinq nouveaux arrivés. Il y avait Gisting, un mercenaire, vieux routier des terres du nord, Toran et son fils cadet Jorun, tous deux voleurs expérimentés et amis de longue date d'Armor, Tedeka un jeune chef d'entreprise ( Tedeka S.A. ... ) maniant aussi bien le katana que l'étude de marché, et enfin Osherk, un gros bûcheron, plus bagarreur qu'un ours affamé, et à l'humour aussi ravageur que léger : en somme, le Bud Spencer des forêts d'Okajud. Ils allaient être les compagnons de Midarnir et Arasmar, pour le meilleur et pour le pire, surtout pour le pire ... car Vitnoz n'était pas vraiment le premier venu, et il ferait tout pour ne pas être le premier à repartir ; son but était clair, instaurer le mal sur le monde, ce qui passait en premier lieu par la destruction du Conseil des Sages et l'élimination de Trinak. La situation était déjà fort avancée, l'Odadahraun étant tombé faute de combattants, l' Infâme allait incessament s'attaquer à notre continent ; il fallait donc réagir au plus vite, c'est à dire l'éliminer dans les plus brefs délais. Telle était la mission des sept. Sur le matin, on frappa à la porte ; Armor alla ouvrir et laissa entrer le maitre forgeron d'Okajud. Celui-ci lui remit un paquet, et se retira aussitôt, épuisé par le dur labeur qu'il venait de fournir. Armor fit amener de quoi restaurer ses sept invités et disparut dans ses appartements. Les discussions allèrent bon train, on fit plus amplement connaissance tout en déjeunant. Lorsque le magicien reparut, le jour était en train de se lever .

"Mes amis, l'heure est grave, aussi je n'irais pas par quatre chemins : vous disposez de très peu de temps pour éliminer ce ver puant." Il leur tendit le paquet que le forgeron lui avait apporté quelques heures auparavant, mais ses jambes tremblaient sous lui, et il dût s'assoir pour ne pas défaillir. "Excusez moi, mais j'ai beaucoup travaillé pour vous, et je suis épuisé. Mais continuons : ce paquet contient sept poignards chargés d'un grand pouvoir ; le mien en l'occurence. Il y en a un pour chacun de vous ; prenez en le plus grand soin, ils sont la solution, l'unique solution, à notre problème. Mais faites vite, car dès l'instant où l'emprise de l'Infâme atteindra notre continent, leur pouvoir ira déclinant, et ce sera la fin de tout. Mais en attendant, ils sont inertes à toute tentative de détection de magie, et c'est pour cela qu'ils sont votre unique moyen de l'éliminer, et c'est également pour cette raison que ni Trinak ni moi ne pouvons nous charger de cette mission ". Chacun des sept aventuriers prit un poignard. C'étaient de superbes lames, longues et fines, sans aucun reflet ; leurs manches étaient complètement lisses, et on pouvait les tenir en main sans se rendre compte que l'on touchait quelque chose. Pourtant un signe était ciselé sur le manche, ou plutôt dans le manche, car on ne sentait pas de relief. Les sept poignards rentrèrent dans sept petits étuis en cuir qui furent enfilés autour des cous des sept membres du groupe. Armor se releva : "Voila, tout est dit. Je vais vous téléporter sur une plage de la mer d'Uhnor, au seuil de l'Odadahraun ; je ne puis vous mener plus loin sans vous mettre en danger, croyez le bien. Après tout cela, il me faudra faire une cure de sommeil de plusieurs semaines au moins ... " Et tout se troubla et disparut.

Les sept hommes se retrouvèrent un instant plus tard, dans la même position mais dans un environnement légèrement différent. A la douce température d'un mois d'octobre à Okajud s'était substituées ici des conditions climatiques plutôt rudes : il soufflait un vent fou qui soulevait la mer à des hauteurs insensées et fouettait des gouttes d'eau arrachées à l'océan tout ce qui se trouvait dans une bande de plusieurs kilomètres au delà du rivage. Tout était différent ici : la mer était entre gris foncé et noir, avec des reflets verdâtres, le ciel quasiment de la même couleur, peut-être légèrement plus clair, mais tranchant sur des nuages beaucoup plus foncés. Le sol quand à lui était uniforme de quelque côté que se tournent les sept aventuriers : sans couleur réelle, peut-être gris, peut-être brun clair, peut-être un mélange des deux, et surtout, aucun point de repère : des dunes à perte de vue, le désert total. Midarnir prit la tête du convoi, suivi d' Arasmar, puis des cinq autres, marchant en file indienne pour s'abriter du vent, forçant le rythme au maximum de leurs possibilités, sans faire la moindre pause, ne serait-ce que pour se restaurer ; d'ailleurs personne n'avait de vivres : les pic-nic n'ont pas leur place dans une mission commando, il faut frapper vite et fort. En fin d'après midi le vent se calma un peu, et ils purent encore forcer l'allure. La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu'ils s'arrêterent pour dormir un peu. Les deux autochtones dirent aux cinq autres qu'au rythme auquel ils progressaient, ils devraient être dès le lendemain en la ville principale de l'Odadahraun, construite autour d'une colline escarpée sur laquelle était bâtie la demeure séculaire des dirigeants Ignaskards, aujourd'hui habitée par Merkigil-Vitnoz et ses proches et dévoués collaborateurs. Quelques heures d'un sommeil profond, et la compagnie reprit son chemin peu avant le lever du jour. Lorsqu'il fit complètement jour, ils se rendirent compte qu'ils avaient marchés plus qu'ils ne le pensaient, car la ville était toute proche, et la colline semblait à portée de main. Mais il est bien connu que le désert écrase les distances, aussi dûrent-ils encore marcher plus d'une heure avant de trouver la première maison. Il ne s'agissait pas à proprement parler d'une ville,mais d'un gros village, constitué de petites maisons très basses qui n'étaient rien d'autre que des toîts plantés dans le sol et recouverts de la matière qui le constitue : un mélange de sable, terre et cendre, sur lequel arrivent quand même à pousser quelques malheureux brins d'herbe.

A partir de cet instant, il fallait être extrèmement prudent, guetter les patrouilles des damnés de Vitnoz et éviter à tout prix de se faire voir, ou à tort, remarquer. Arasmar les mena chez lui où ils purent se reposer un peu et manger substantiellement. Puis ils firent le point de leur équipement : Tedeka portait son inséparable katana sur lui comme un nourrisson orc se promène avec son troll en peluche, et avait dans une poche dorsale une demi-douzaine de Shuriken. Gisting, Toran et Jorun avaient des épées courtes, quand à Osherk, il n'avait que ses poings, ce qui était déjà amplement suffisant ! Arasmar donna à chacun d'entre eux une veste en peau comme tout le monde en portait ici, et enduisit leurs visages et leurs mains d'un onguent assez gras qui avait la propriété, leur dit-il, de protéger les parties enduites des morsures du vent et du froid, ainsi que de foncer légèrement le teint de façon jaunâtre. Ainsi équipés, avec leurs poignards autour du cou, ils quittèrent la maison d'Arasmar et se dirigèrent en groupe vers la colline. Lorsqu'ils arrivèrent à ses pieds, la nuit était en train de tomber. Ils la contournèrent et commencèrent à la gravir. La demeure des dirigeants Ignaskards n'avait rien à voir avec les petites maisons qui se trouvaient en bas, aux pieds de la colline, on se demandait même comment un édifice de cette sorte avait pû être imaginé par ce peuple de chasseurs : l'entrée était creusée à même le flanc de la colline. Cinq à six mètres au dessus, se dressait un mur assez haut faisant le tour de la colline ; au centre de l'enceinte, une tour assez fine s'élevait de quelques dizaines de mètres au dessus d'un grand toit posé sur cette enceinte. Le tout donnant l'impression, vu de loin, d'un gros pétard planté dans un camenbert posé sur un pâté de sable. Ah ! l'art archictectural Ignaskard nous réserve bien des surprises ...

Devant l'entrée étaient postés deux gardes. Arasmar et Midarnir, les seuls à ne pas être armés, s'en approchèrent, l'air de rien. Les gardes les interpellèrent ; ils continuèrent à avancer, doucement, jusqu'à leur niveau. Des paroles furent échangées sur un ton fort désagréable. Profitant de ce que les gardes étaient momentannément distraits, et surtout retournés, les cinq autres avancèrent rapidement jusqu'à l'entrée. Le temps d'un 'clic', celui d'un katana qui sort de son fourreau, une tête était par terre et le deuxième garde était étendu, l'os du nez au milieu du cerveau : Osherk avait frappé ... Les deux corps furent dissimulés dans un recoin, et ils repartirent, s'enfonçant dans l'obscurité avec prudence, ainsi les hobbits dans l'antre d'Arachnée. Bientôt ils ne voyaient même plus leurs pieds, et seuls les deux Ignaskards, dont la vue était plus adaptée à la longue nuit polaire, étaient en mesure de les guider. Mais ils ne le purent pas longtemps. Bien que progressant à une vitesse gastéropodique, la colonne finit par heurter un mur. Ce long couloir avait donc une fin. Arasmar, qui était en tête lors du choc, commença à tatonner le long de la paroi dans l'espoir de découvrir un passage, une porte, quelque chose. Il y parvint au bout de quelques minutes : ses doigts passèrent de la paroi rugueuse à une matière plus lisse, plus froide. Il suivit la fracture qu'il avait découvert, et finit par tomber sur la serrure. Il entrouvrit la porte de quelques centièmes de milliradians, et jeta un œil. Et que vit-il ? Il découvrit une pièce, relativement petite, vaguement éclairée par un lueur diffuse qui semblait venir de l'étage supérieur, via un escalier en colimaçon. Deux gardes tournaient constamment autour de cet escalier, sans jamais se voir, de façon qu'à chaque instant, toute l'aire de la pièce soit surveillée.

Il fallait mettre au point rapidement un plan d'attaque. Il était prêt avant même qu'ils se donnent la peine d'y penser. Gisting s'accroupit derrière la porte entrouverte. Derrière lui, Tedeka se tenait debout, la main droite derrière la tête, prêt à distribuer les shuriken. Lorsque le premier garde fut le plus près possible de la porte, le second étant alors à l'opposé, derrière l'escalier, Gisting ouvrit la porte d'un coup sec, une shuriken vola et se planta entre les yeux du premier garde qui n'eut que le temps d'émettre un râle de surprise et de douleur avant de s'effondrer ; Gisting était déjà sur lui, et lui trancha la gorge. C'est le moment que le second garde choisit pour réapparaitre. Malheureusement pour lui, Osherk avait fait le tour de l'escalier pendant que ses petits camarades s'occupaient du premier cadavre, et il l'assoma avant que Gisting ait eu le plaisir de l'embrocher ; on n'entendit que les craquements des vertèbres qui s'écrasaient comme un paquet de biscottes sur lequel on aurait posé malencontreusement une enclume. Puis tout redevint calme. Toran s'engagea dans l'escalier à pas feutrés, et monta doucement jusqu'à l'étage supérieur, suivi des six autres. Tout semblait calme, mais l'atmosphère était plutôt tendue. Cet étage était constitué d'une pièce unique, assez grande ; la décoration était relativement sommaire, pour ne pas dire inexistante : tout laissait à penser qu'il s'agissait de la salle des gardes. Leurs derniers doutes furent dissipés lorsqu'ils remarquèrent une demi-douzaine d'hommes armés endormis sur des tables, au fond de la pièce. Les cœurs battaient fort, mais il fallait vite prendre une décision. Au risque de se faire prendre à revers, les sept décidèrent de les laisser dormir afin de ménager l'effet de surprise. Sur la pointe des pieds, ils traversèrent donc la pièce en direction d'un autre escalier qui menait aux étages situés dans la tour. Le dernier à traverser fut Osherk.

Malheureusement il renversa une chaise, ce qui réveilla un des gardes. Mais ses compagnons veillaient, et avant même que le pauvre garde ait ouvert le deuxième œil, il l'avait refermé à tout jamais, aidé par le katana de Tedeka.

Tout ce remue ménage n'était bien entendu pas passé inaperçu, et bientôt ils entendirent un bruit de pas descendant l'escalier supérieur. Le cadavre fut caché sous la table, Midarnir enfila en vitesse les vêtements du garde mort, et les six autres se cachèrent dans l'escalier par lequel ils étaient arrivés. Lorsque le garde entra dans la salle, il ne vit que Midarnir en train de se relever, comme s'il était tombé pendant son sommeil. Ils échangèrent quelques mots, Midarnir se fit réprimander, mais le garde ne découvrit pas le subterfuge. Puis il descendit à l'étage inférieur pour voir si tout allait bien ; le pauvre n'y arriva jamais. Il fut intercepté et soumis à la question par Arasmar et ses cinq compagnons. Pendant ce temps, de peur que les cinq gardes endormis près de lui ne se réveillent, Midarnir avait entrepris de les décapiter à l'aide d'une épée prise dans un de leurs fourreaux. Son délicat labeur achevé, il descendit retrouver les six autres en train de chatouiller le garde de Vitnoz. Il ne leur résista pas longtemps, et leur apprit tout ce qu'ils désiraient savoir sur l'étage supérieur : il ne restait que quatre gardes devant les appartements de l'Immonde. Ainsi périt le chef de la garde personnelle de Vitnoz ...

Les sept remontèrent jusqu'au pied de l'escalier supérieur, et Arasmar appela les gardes, prétextant un problème. Ils entendirent une cavalcade dans l'escalier, et bientôt ils les virent arriver. Ils les laissairent tous passer le seuil de la pièce avant de porter le premier coup, pour être sûr qu'aucun ne leur échapperait. Mais à leur grande surprise, ils n'étaient pas quatre mais sept. Les indics ne sont plus ce qu'ils étaient. Ce fut une véritable mélée, et au bout du compte, on releva neuf cadavres : les sept gardes plus Arasmar, le seul du groupe à ne pas être armé, et Jorun, le plus jeune, peu habitué à se genre de combats. Les cinq survivants ne se laisserent pas emporter par leur chagrin, et continuèrent leur progression. Ils gravirent l'escalier à pas régulier, sans trop de bruit mais sans chercher à passer inaperçu. Lorsqu'ils furent tous les cinq à l'étage, les cinq poignards sortirent de leurs étuis. Toran frappa à la porte de Vitnoz. Il entendit un hurlement dont il ne compris pas le sens, en guise de réponse. Midarnir y répondit en traduisant aux autres : "je lui ai répondu qu'il y avait un message pour lui.". Ils entendirent des pas dans la pièce puis, enfin, la porte s'ouvrit. Toran ne lui laissa pas un dizième de seconde pour voir à qui il avait à faire, et se jeta sur lui la lame en avant. Vitnoz eut le cœur transpercé et fit un bond en arrière. Il poussa un cri qui paralysa de terreur les cinq compagnons, et s'effondra sur le sol. Les quatre autres se précipitèrent et lui plantèrent leurs poignards dans le corps. Il était secoué de convulsions, suivant un rythme de plus en plus rapide. Bientôt son corps sembla devenir luminescent, puis s'enflammer. Aux extrémités des cinq manches des poignards, de petites étincelles claquaient de plus en plus fort ; bientôt elles constituèrent un réseau d'éclairs bleuâtres, englobant entièrement l'enveloppe humaine de Vitnoz, trahissant l'intense champ de forces avec lequel il était aux prises. Puis les éclairs devinrent de plus en plus violents, l'enveloppe s'arrondit jusqu'à devenir une sphère parfaite émettant une lueur aveuglante. Elle se souleva de terre, se mit à tourner de plus en plus vite ; bientôt le sifflement qu'elle engendrait devint insupportable, et alors même que les cinq braves allaient défaillir, elle s'éleva dans les airs, désintégrant le toît de la tour sur son passage, puis se stabilisa un moment au-dessus de la colline. Elle se mit alors à briller si fort qu'il fit jour quelques instants sur des dizaines de lieues à la ronde.

Puis elle se libéra de toute cette énergie en une fabuleuse explosion qui se vit à des milliers de kilomètres à la ronde et disparut dans le ciel dans un hurlement terrifiant qui aurait fait croire à Luke Skywalker que Dark Vador était dans les parages ...

Et ce fut le retour au silence absolu. Les cinq compagnons se relevèrent, tout abasourdis par ce qu'ils venaient de subir. A la sourde angoisse qui régnait en eux depuis quelques temps pût enfin succéder l'allégresse, l'allégresse de savoir que du fin fond de l'univers, en enkystement spatial lointain, Vitnoz était off à tout jamais.

Dûrwaith se tût un instant, et reprit aussitôt d'un air grave : "Mais à la lueur de ce que vous venez de me dire (cf. Chapitre 1, les Bibliothèques de Salenor), il semble, mon cher Lothar, que Vitnoz ait repris du service, et j'ai bien peur que son enkystement ne tienne plus qu'à un fil. Il nous va bientôt falloir reprendre les armes ."